Des indigènes de la communauté Xákmok Kásek qui résident dans le Chaco au Paraguay, se sont organisés avec d’autres communautés autochtones, les Yakye Axa et Sawhoyamaxa, pour exiger de l’État l’application immédiate des mesures favorables à leurs intérêts reconnus par la Cour Inter-américaine des Droits humains (CIDH) et l’Organisation des États Américains (OEA).
La CIDH a récemment rendu un jugement qui condamne l’État paraguayen pour avoir violé les droits de la communauté indigène Xákmok Kásek pour tout ce qui est relatif à la propriété collective, à leur intégrité personnelle, à leur vie mais aussi aux droits des enfants. Les manquements font également référence au fait que l’État ait violé la protection judiciaire, les garanties judiciaires et l’intégrité juridique indigène, cela sans parvenir à protéger d’une discrimination certaine les membres de la communauté Xákmok Kásek.
Le Paraguay est le seul pays sous la direction du CIDH à avoir été condamné à trois reprises pour violation des droits des peuples indigènes. En 2005 ,et en 2006, la Cour a émis un jugement en faveur des communautés indigènes Yakye Axa et Sawhoyamaxa qui reconnaissait que l’État devait restituer les terres traditionnelles à ces communautés.
Le Paraguay est l’unique pays placé sous la juridiction de la Cour Inter-américaine qui a été condamnée trois fois, car bien que les sentences de la CIDH aient un caractère inaliénable, l’application, dans les faits des jugements rendus, a été jusqu’alors infime.
« Depuis cinq années l’État n’applique pas les résolutions de la Cour, c’est pourquoi les membres des trois communautés -Xákmok Kásek, Yakye Axa et Sawhoyamaxa- ont pris conscience qu’ils devaient s’organiser conjointement pour avoir plus de poids et exiger ainsi l’accomplissement des sentences » a déclaré Ricardo Morínigo, directeur de la communication pour la ONG Tierraviva, qui a accompagné tout le processus de revendication indigène tant au niveau national qu’international.
Depuis 1990, la communauté Xákmok Kásek a réclamé à l’État son droit à résider sur ses terres ancestrales. Après 20 années de démarches infructueuses dans le pays, la communauté s’est vu contraint de porter ses réclamations devant les organismes internationaux de droits humains.
Les indigènes accusent l’État paraguayen ne pas avoir garanti leur droit à la propriété. Selon le jugement de la Cour, le Paraguay devra restituer, avant la fin 2013, les 10 700 hectares de terres revendiquées pour la communauté Xákmok Kásek.
Les terres, partie du territoire traditionnel du peuple Sanapaná, berceau de la communauté Xákmok Kásek-sont actuellement entre les mains de l’éleveur de bétail Roberto Eaton (7000 hectares) et celles de la coopérative mennonite « Chortizert ». Dans le cas où l’État ne restituerait pas les terres aux natifs Xákmok Kásek dans les délais impartis, il devra indemniser les indigènes pour un montant de 10 000 $ par mois de retard avant la restitution effective des terres.
La CIDH oblige l’État paraguayen à protéger immédiatement les terres revendiquées afin d’éviter des actes de déforestation et la destruction de lieux significatifs de la communauté.
De la même façon, l’État devra reconnaître publiquement sa responsabilité dans les faits de violation des droits indigènes durant le procès. En s’organisant conjointement, les communautés devraient bénéficier de plus de crédit pour exiger l’accomplissement immédiat des sentences.
En rapport à la situation à laquelle est confrontée la communauté, la sentence signale que les institutions de l’État doivent immédiatement mettre à disposition des points d’eau potable pour la communauté et effectuer un bilan médical complet (physique et psychologique) et plus spécialement sur les enfants et les personnes âgées.
En matière de santé, l’État doit mener à bien les tâches de vaccination, et doit porter une attention particulière sur les femmes enceintes et les nouveaux-nés.
Pour accomplir ces tâches, le Ministère de la Santé devra établir dans un délai de six mois maximum, un dispensaire et un système de communication dans la zone où vivent les indigènes de Xákmok Kásek.
Le jugement prévoit également que le gouvernement doit remettre aux indigènes des aliments en quantité et qualité suffisante, installer des lieux d’hygiènes, améliorer les infrastructures scolaires et mettre en place pour l’année prochaine, un registre d’état-civil pour tous les indigènes de la communauté.
Le document prévoit aussi que le Paraguay doit financer des projets de développement au sein de la communauté à hauteur de 700000 $. La CIDH a offert une indemnisation de
270 000 $ pour les dommages endurés par la communauté ces dernières années. La somme d’argent sera distribuée entre les familles qui appartiennent à la communauté Xákmok Kásek.
Un autre point stipule que le gouvernement devra également remettre 25 000 $ pour les frais divers, somme qui sera remise aux leaders de la communauté qui auront la charge de l’utiliser à bon escient.
« …Le sujet sera évoqué lors d’une prochaine réunion du Conseil des Ministres puis ce sera au président Fernando Lugo d’entériner la décision finale ».
Si les principales revendications du peuple indigène concernant la restitution des terres, n’ont pas été respectées, les représentants de l’État du Paraguay ont déclaré « vouloir faire de leur mieux pour que les sentences de la CIDH soient mises en application en faveur des natifs ».
« En ce qui concerne la communauté Xákmok Kásek, une grande partie des terres réclamées ont été déclarées « Zone sylvestre protégée appartenant au domaine privé » par décret promulgué par le pouvoir exécutif de janvier 2008. Ce décret doit être annulé et l’on doit procéder aux expropriations ou à la vente directe du terrain » a affirmé le procureur de la République Abrahán Martínez. Le fonctionnaire explique qu’une aire protégée ne peut être sujette normalement à l’expropriation mais il existe un rapport favorable de la secrétaire à l’environnement qui prône l’annulation de ce décret.
« Grâce à cela, nous pouvons évoquer la solution de l’expropriation, ou l’achat direct des terres, thème qui sera évoqué lors d’une prochaine réunion du Conseil des Ministres et dépendra de la décision finale de Fernando Lugo », a exprimé Martínez.
Quant aux autres réclamations, Martínez a précisé qu’une Commission spéciale aura lieu, la Comisión Interinstitucional para el Cumplimiento de Sentencias (La Commission inter-institutionnelle pour l’application des sentences) qui aura pour but de solutionner les différents autres que la restitution des terres.