L’épidémie croissante de choléra en Haïti met en état d’alerte maximum la communauté internationale, tant au niveau des secours qui se mobilisent pour se rendre sur l’île, qu’au niveau des mesures prises par certains pays latino-américains afin d’éviter la propagation de la bactérie sur le continent, et freiner ainsi une possible pandémie.
Dans cette optique, l’Organisation panaméricaine de la santé (Organización Panamericana de la Salud ou OPS) a affirmé, hier 25 octobre, lors d’une conférence de presse que le nombre de cas de choléra devrait augmenter à Haïti et prévoit même une propagation de la maladie.
L’épédimiologiste Jon Andrus, de la OPS, a déclaré que 259 personnes étaient décédées de la maladie mais a priori ce chiffre n’est pas « exact » et ne reflète pas la réalité sur le terrain, de plus le risque d’une propagation en République Dominicaine est « très élevé » en raison du passage fréquent de haïtiens à la frontière commune, c’est pourquoi les mesures préventives doivent être une priorité.
Le médecin de l’organisation a expliqué que les autorités prenaient en compte les exemples du passé, en particulier lorsque le Pérou a été confronté à la maladie en 1991, une pandémie s’en est suivie sur tout le continent latino-américain, à l’exception des Caraïbes. En deux ans, 500 000 cas de choléra avaient été enregistrés.
Ces exemples ont aidé les autorités à mettre en place un plan d’action qui inclut, selon Andrus, la mobilisation d’experts en « élimination » des cadavres et une distribution de médicaments à base de tétracycline aux malades.
« Nous ne pouvons pas prédire l’intensité d’une épidémie, nous n’en savons rien, mais nous devons mettre en place tous les moyens de prévention possibles et aider au mieux le peuple haïtien sur du long terme » a-t-il souligné.
Selon des chiffres relayés hier par le gouvernement haïtien, le nombre de victimes officiel est donc de 259 et le nombre d’individus qui souffrent du choléra s’élève à 3 342, la majorité des malades résident au nord de l’île, à Artibonite, la zone la plus affectée par l’épidémie.
Face aux cinq cas suspects de choléra à Port-au-Prince, le directeur général du ministère de la santé publique et de la population, Gabriel Timothée, a affirmé que les personnes concernées avaient été prises en charge et que les résultats des examens visant à confirmer le diagnostic de choléra, ou au contraire à l’infirmer, seraient bientôt connus.
Le fonctionnaire a exprimé sa préoccupation sur les conséquences que pourraient avoir la propagation de la maladie jusqu’aux camps de réfugiés installés à Port-au-Prince après le tremblement de terre du 12 février dernier, « nous sommes inquiets pour la situation dans les camps », a-t-il souligné. C’est pourquoi il préconise une série de mesures en ces lieux de promiscuité, comme l’évacuation quotidienne des ordures et des matières fécales.
Pour faire face à cette menace, Timothée a annoncé que dix centres de santé allaient être mis en place à Port-au-Prince afin d’accueillir les éventuels malades.
Dans leur volonté d’éviter la propagation du choléra dans leur pays, le gouvernement de la République Dominicaine a décidé de suspendre le marché binational qui se tient deux fois par semaine, le lundi et le vendredi, une mesure qui a suscité une vague de contestation et de mécontentement dans la localité frontalière de Ouanaminthe.
Les manifestations ont été réprimées rapidement par des membres de la police de la République Dominicaine et de la Mission des Nations- Unis pour la stabilisation d’Haïti (Minustah).
Cette mesure n’est pas isolée, le gouvernement de République Dominicaine a renforcé les mesures de contrôle à la frontière.
Le ministre de la Santé Publique, Bautista Rojas Gómez a annoncé que les mesures de surveillance épidémiologique allaient être renforcées dans les aéroports et ports locaux, un cordon sanitaire de prévention va être établi, enfin trois tonnes de chlore, destinées à rendre potable l’eau, principal foyer d’infection, ont été expédiées à Haïti.
Parmi les mesures d’urgence à adopter, la Organización Panamericana de la Salud, OPS, a souligné l’importance de prendre en charge comme il se doit les cadavres car ils constituent une source de contamination.
L’Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID) et les principales ONG espagnoles qui travaillent à Haïti (Farmamundi, Croix Rouge, Médecins du Monde) doivent aujourd’hui 26 octobre affréter un avion avec plus de 15 tonnes de sérum physiologique, de matériel sanitaire destiné au 3 600 malades, a informé la secrétaire d’état à la Coopération internationale et au Développement, Soraya Rodríguez.
Pour sa part, la Commission Européenne (Comisión Europea) se tient prête à envoyer de l’aide supplémentaire si les autorités du pays sollicitent davantage d’assistance pour faire face à l’épidémie de choléra, a déclaré le porte-parole Ferrán Tarradellas.
La porte-parole a toutefois souligné que la Commission Européenne travaillait à l’éradication de la maladie et a expliqué que les membres de l’Exécutif ont centré leurs efforts sur la logistique, les centres de traitements contre le choléra, l’assainissement de l’eau, mais aussi sur la diffusion des mesures de prévention.« Nous avons agi rapidement. Nous avons renforcé l’équipe dans le secteur de la santé et nous essayons de coopérer avec les organisations et le gouvernement d’Haïti afin d’aider les malades à récupérer le plus vite possible » a déclaré Tarradellas.
La nouvelle ministre des Affaires Étrangères espagnole, Trinidad Jiménez, a déclaré qu’elle « allait solliciter l’Union Européenne afin qu’elle s’implique encore plus et qu’on puisse éviter un désastre humanitaire encore plus grand que celui qu’a connu la population haïtienne après ce terrible séisme ».
L’Union des Nations sud-américaines (UNASUR) a décidé d’envoyer aujourd’hui depuis le Venezuela un premier avion d’aide humanitaire. Les ministres de la santé du bloc régional (formé par l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, le Chili, la Colombie, la Guyane, le Paraguay,le Pérou, le Surinam, l’Uruguay et le Venezuela) ont pris cette décision lors d’une vidéo-conférence organisée lundi, depuis Quito, par le président pro tempore rattaché à la Santé au sein de l’UNASUR, l’équatorien David Chiriboga (ministre de la santé équatorien).
Les fonctionnaires ont également convenu de consolider une liste « du matériel indispensable et de l’aide logistique nécessaire » qui sera présentée aux autorités haïtiennes afin de répondre avec précision aux besoins sur place. Le gouvernement haïtien a souligné qu’il avait besoin en priorité de solutions de réhydratation, de sondes gastriques, de cathéters, de bandes et compresses stériles.
Chiriboga a également offert ses services afin que les autorités puissent bénéficier de l’expérience de l’Équateur et du Pérou en matière d’épidémies pour mettre en place un plan de soutien.
Le Venezuela avait pris les devants en envoyant un avion de la Fuerza Aérea, avec à bord des experts et du matériel sanitaire comme 100 000 sachets de réhydratation et mille comprimés d’antibiotiques. L’appareil transportait aussi du chlore et du savon désinfectant a précisé le président vénézuélien Hugo Chávez.
« Nous aidons Haïti du mieux que nous pouvons » a affirmé le chef de l’État, qui regrette le drame qui frappe l’île.
Informations sur le choléra (source OMS) :
-Le choléra est une maladie diarrhéique aiguë, dont on peut mourir en quelques heures en l’absence de traitement.
-Selon les estimations, il y a chaque année 3 à 5 millions de cas de choléra, avec 100 000 à 120 000 décès.
-On peut réussir à traiter jusqu’à 80% des cas avec les sels de réhydratation orale.
-Les mesures de lutte efficaces s’appuient sur la prévention, la préparation et la riposte.
– L’approvisionnement en eau sûre et l’assainissement sont essentiels pour réduire l’impact du choléra et des autres maladies à transmission hydrique.
– On considère que les vaccins anticholériques par voie orale sont un moyen complémentaire de lutte, mais ne doivent pas remplacer les mesures classiques.