Des récits de légendes et de contes, des distributions d’offrandes, la mise en place de pièces de théâtre et de processions constituent les principales activités auxquelles se livrent près d’un million de mexicains et touristes étrangers qui se donnent rendez-vous, chaque année, pour célébrer le jour des Défunts le 1er novembre.
Selon, Alejandro Rojas Díaz Durán, secrétaire rattachée au Tourisme à la ville de Mexico, ces traditions millénaires constituent l’un des évènements les plus attendus de l’année, l’occupation hôtelière de la ville peut atteindre alors les 70 %.
Il faut préciser que ces festivités représentent non seulement un apport important dans l’économie du pays mais aussi un moyen pour les visiteurs étrangers de connaître l’histoire, la culture, et les traditions les plus emblématiques du peuple mexicain.
Depuis aujourd’hui jusqu’au 2 novembre, la secrétaire au Tourisme du District Fédéral, en coordination avec les institutions culturelles mexicaines, vont réalisé 244 manifestations dans les 13 plus importants axes touristiques de la ville (Centro Histórico, Alameda Central, Paseo de la Reforma-Zona Rosa, Chapultepec-Polanco, Roma-Condesa, San Ángel, Coyoacán, Ciudad Universitaria, Tlalpan, Xochimilco, Villa de Guadalupe, Santa Fe et Mixquic).
Dans le centre historique de México, un autel géant est dressé, les artisans boulangers offrent le traditionnel pain des morts ou « pan de muertos » aux visiteurs, tandis que el corredor Roma-Condesa regorge de jeunes Mexicains et d’étrangers qui proposent leurs offrandes aux artistes bohèmes.
Rojas Díaz Durán souligne que, dans un style plus traditionnel, en total respect avec la nature, défilent les délégations Tláhuac et Xochimilco devant les tombes des panthéons régionaux qui, en ces matinées du 1 et 2 novembre abritent la lumières solennelle des bougies, regorgent de fleurs aux parfums enivrants, et de nourriture à la saveur ancestrale.
Le jour des Défunts est l’occasion pour les familles et proches des défunts de se réunir et d’offrir une réception commémorative en l’honneur des êtres chers, des amis qui ont quitté ce monde. C’est pourquoi ils déposent du pain devant une représentation du disparu avec qui il parle à la lumière des cierges.
Le Jour des morts (en espagnol « Día de Muertos ») est une forme particulière de fête des morts typique de la culture mexicaine et d’Amérique centrale. La fête s’observe aussi dans le sud-ouest des États-Unis, qui comporte une importante communauté chicana et même à New York (Union Square) dans le cadre de l’organisation « Mano a Mano » qui permet aux immigrés mexicains, entre autres, de retrouver la magie de cette célébration.
Elle a lieu du 1er au 2 novembre, en même temps que les fêtes des morts chrétiennes de la Toussaint et de la Commémoration des fidèles défunts, mais les festivités peuvent durer beaucoup plus longtemps, comme c’était le cas dans les traditions précolombiennes qui en sont à l’origine, avant qu’elles ne soient récupérées et adaptées à la foi chrétienne.
Elle a la particularité d’être célébrée de manière très festive, avec de la musique, de grandes quantités de nourriture et de boisson, des décorations aux couleurs vives et de nombreuses représentations caricaturales de la mort.
C’est au moment de la Toussaint, que se révèlent les attitudes fondamentales devant la mort. Indiens et Espagnols partageaient une communauté de traits à son égard : fierté, mépris du danger, vision tragique du monde entier. Le mexicain contemporain en a hérité, l’historien Fouchet n’hésite pas à écrire à propos de l’attitude de ce dernier vis-à-vis de la mort : « il dort avec elle et la fête car elle est l’un de ses amusements favoris et son amour le plus fidèle ».
La mort familière, la mort de tous les jours n’engendre donc pas forcément des idées tristes. Et quelle plus belle occasion que de se retrouver, les vivants et les morts, une fois par an, pour faire la fête ! Au Mexique, pendant les jours qui précèdent le 2 novembre, on s’offre des friandises funèbres. On s’échange des têtes de mort en sucre que sont les « calaveras », objets symboliques par excellence de la Toussaint mexicaine. Il est du meilleur goût d’en offrir à l’être aimé, à ses enfants, à ses parents. Les plus appréciés sont celles qui sont de taille réelle et affichent sur un bandeau frontal le prénom de l’heureux bénéficiaire.
Les « pains des morts » sont de délicieuses brioches rondes au café décorées de tibias que complètent des galettes cachant un tibia en guise de fève.
On tire les morts comme on tire les rois !
Les Mexicains s’amusent de la mort, la raillent avec des mascarades carnavalesques… Avec des masques grimaçants, des personnages déguisés en squelettes de papier mâché se livrent avec un humour macabre à de jubilatoires satires de la société. Et, pour que la fête soit plus gaie, une musique entraînante et joyeuse vous emporte tout ce petit monde.
Au soir du 1er novembre, c’est au cimetière qu’on donne rendez-vous aux morts pour y faire la fête et banqueter sur les tombes. Une fois encore, c’est parmi les populations indigènes que les rites pratiqués sont les plus saisissants.
Ainsi à Romerillo, dans le Chiapas, les Chamulas se livrent à une très étrange cérémonie. Tôt le matin, les vivants apportent aux morts des offrandes, ce qu’ils aimaient manger et boire, ainsi que des fleurs de cempazúchitl (sorte d’œillets d’Inde aux couleurs orangées) pour leur rappeler le parfum de la terre.
Ces fleurs de cempazúchitl indispensables à l’hommage rendu aux morts sont cultivées dans les régions de Puebla, Oaxaca, México, Morelos, Guerrero, Hidalgo, Coahuila, San Luis Potosí, Tlaxcala, Michoacán et Distrito Federal. Selon le système d’Information Agroalimentaire et Agropiscicole (SIAP), le pays produit 7 000 tonnes annuelles de ce produit, qui correspond à une valeur commerciale 15 463 000 pesos. La région de Puebla fournit à elle seule 81 % de la production annuelle de cette fleur, qui se cultive en octobre, les autres régions qui produisent cette fleur en quantité sont Hidalgo, Oaxaca, San Luis Potosí et Morelos. La fleur se cultive sur près de 21 000 hectares et occupe un quart de la surface horticole semée, les autres fleurs étant le glaïeul, le chrysanthème, et des feuilles de palmiers. Le mot cempazúchtil vient du náhuatl cemp « hualx » chitl et signifie « veinte flor » ou « vingt fleurs », il s’agit de la fleur emblématique utilisée pour orner les tombes et les autels les 1er et 2 novembre.
On parle alors aux morts, on les appelle au son des guitares et des accordéons. Toute la nuit, des lanternes brûlent pour guider le retour des âmes. Les grandes portes ou arches qui recouvrent les tombes seront ouvertes, après une longue attente. Et fondue dans l’aube du matin, les âmes peuvent enfin établir le contact avec les mortels. Ce sont d’interminables discours relatant tous les menus événements de l’année.
Dans l’île de Janitzio, au milieu du lac Pátzacuaro, les Tarasques célèbrent eux aussi une mémorable nuit des morts. Après une joyeuse kermesse, toutes les femmes s’esquivent avec leurs enfants pour aller piqueter de bougies un champ que rien ne désigne comme un cimetière.
Traditionnelles dans tout le Mexique, les cérémonies d’offrandes sur les tombes des défunts y revêtent la nuit, dans l’aura mystérieuse de milliers de chandelles processionnaires, un éclat envoûtant, et nulle part ailleurs, on ne sent battre à l’unisson le cœur païen et chrétien du plus ancien Mexique. Là aussi, s’amorce le long dialogue avec les morts…
La tradition du « Día de Muertos » au Mexique remonte selon les historiens à l’époque pré-hispanique lorsque l’on offrait des offrandes aux divinités après la période des récoltes. Après la Conquête espagnole, le syncrétisme religieux qui en a découlé, a donné une nouvelle dimension à cette cérémonie, désormais les offrandes étaient données aux défunts.
Au Mexique, les lieux où l’on peut assister à ce type d’offrandes sont nombreux, tant dans les cimetières qu’au sein même des foyers, toutefois parmi les endroits les plus emblématiques, on retrouve Pátzcuaro, Michoacán ; Míxquic, dans le District Fédéral, et les régions de Oaxaca. Des offrandes peuvent être également réalisées dans des parcs, dans des universités, sur des esplanades et ce, dans tout le territoire national avec pour objectif, celui de maintenir vivace une tradition inscrite depuis 2003 au Patrimoine culturel de l’Humanité.