Pérou : Le mouvement protestataire mené par les indigènes se radicalise dans la région de Puno

Des centaines de manifestants ont attaqué, jeudi 26 mai, des édifices publics et privés et ont brûlé deux véhicules de police dans la région andine de Puno qui abrite le très visité lac d’altitude Titicaca. Des évènements qui marquent une radicalisation de la part de certains protestataires, pour la plupart des natifs aymaras, qui mènent un blocus à Puno (au sud-est du Pérou) en signe d’opposition à l’implantation d’une entreprise minière canadienne, la Bear Creek Company, dans une zone agricole et piscicole où évoluent de nombreux indigènes.

Le mouvement de grève initié le 9 mai dans cette région stratégique se manifeste par un blocus à la frontière bolivienne, plus précisément dans la ville de Desaguadero (environ 120 000 habitants), qui paralyse depuis plus de 15 jours le commerce entre la Bolivie et le Pérou, mais aussi les déplacements en tous genres.

Camions boliviens bloqués à la frontière

En effet, les accès routiers sont coupés à l’aide de blocs de pierre et de troncs d’arbre déposés par des manifestants déterminés et intransigeants, et ce sont des centaines de véhicules qui ne peuvent plus circuler, et par conséquent, transporter leurs marchandises pour les nombreux poids lourds « pris en otage » (600 poids lourds boliviens entre autres). A l’heure actuelle, de nombreux produits viennent à manquer des deux côtés de la frontière parmi lesquels des produits alimentaires de base (principalement des produits à base de soja).

« A Puno les choses dégénèrent, et des institutions publiques ont été mises à sac, mais aussi des banques et des commerces » a déclaré Willian Andía, un officier de police, par téléphone à la radio locale RPP. Ce sont près de 5000 paysans qui manifestent depuis le début des opérations afin de réclamer au gouvernement la suspension totale des concessions minières dans la région en affirmant que celles-ci pourraient avoir des répercussions catastrophiques sur l’environnement. Il faut savoir que les communautés indigènes de Puno vivent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage et, qu’à ce titre, le risque de contamination du sous-sol menace telle une épée de Damoclès leurs activités économiques.

Dans une attaque survenue hier, des inconnus ont pénétré dans des postes frontières et ont brûlé des documents clés, saccagé les locaux et dérobé du matériel informatique, a affirmé la présidente de la Contraloría de la República, Fuad Khuori. Le poste-frontière ne bénéficiait d’aucune surveillance policière ni même militaire bien que le gouvernement du président en place ait autorisé l’armée, il y a quelques jours, à surveiller les locaux appartenant à l’État dans cette ville paralysée, située à quelques kilomètres au sud-est de la capitale Lima.

La dernière fois que les militaires sont intervenus lors d’une manifestation à Puno, ce fut en 2003, un épisode violent qui a fait au moins un mort et de nombreux blessés. En 2009, un violent mouvement contestataire contre l’exploitation de ressources naturelles en Amazonie avait fait 30 morts parmi les forces de police et les natifs qui s’opposaient au projet, cet épisode douloureux a marqué la pire crise de la présidence d’Alan García .

Selon un leader indigène, Walter Anduviri, les débordements survenus la nuit dernière sont le fait de manifestants incontrôlés et constitue un fait isolé. Une tension qui s’est accentuée alors que le dialogue entre les indigènes aymaras représentés par le Front de Défense des Provinces du Sud de Puno (Frente de Defensa de las provincias del sur de Puno) et les autorités (une délégation de trois vice-ministres envoyés depuis Lima) n’a pas abouti hier matin. La tension a monté d’un cran lorsque la Commission envoyée par l’exécutif péruvien a promis d’étudier les différentes demandes d’exploitation du sous-sol dans un délai de 180 jours afin de relever ‘éventuellement’ les projets qui pourraient affecter leurs activités agricoles et piscicoles. De leur côté, les communautés indigènes réclament l’annulation pure et simple de toutes les activités de prospection minière sur leur territoire.

Cela fait maintenant 18 jours que le blocus est maintenu et les chauffeurs routiers bloqués demeurent aujourd’hui sans rien à manger. Le gouvernement de Bolivie a envoyé, à la frontière avec le Pérou, des aliments et des couvertures pour les personnes qui se retrouvent comme des naufragés sur les routes de Puno. Des représentants de la Croix-Rouge bolivienne ont également fait le déplacement afin de se réunir avec ses homologues du Pérou dans le but de porter assistance aux personnes affectées par le mouvement social. Le vice-ministre des Affaires Etrangères bolivien, Juan Carlos Alurralde, a souligné que le président Evo Morales et son homologue péruvien s’étaient entretenu afin de garantir une aide humanitaire aux centaines de personnes retenues à la frontière. En Bolivie, les pertes économiques engendrées par le conflit social péruvien sont, pour le moment, estimées entre 7 et 16 millions de dollars, en effet le port de Matarani n’est plus ravitaillé en marchandises car la route de Desaguadero est bloquée alors qu’elle constitue la principale route d’échanges commerciaux entre le Pérou et la Bolivie. Selon la Chambre de Commerce de Puno, les mouvements sociaux ont causé environ 36 millions de pertes depuis le début du conflit affectant surtout le tourisme et le commerce.

Ce mouvement social qui semble gagner en intensité touche également des centaines de touristes, en majorité japonais et européens, qui restent bloqués à Puno, dans les abords du lac Titicaca. Lourdes Abarca, directrice régionale du tourisme dans la ville de Puno, précise que « le port sur le Titicaca est sous le contrôle des manifestants, tout comme la gare routière ». Elle ajoute que la route vers la Bolivie est également coupée en raison des manifestations. Selon Carlos Canales, président de la chambre nationale de Tourisme, la ville perd 1,2 millions de dollars par jour.

Le président de la République péruvien a déclaré « nous attendons le second tour des élections présidentielles du 5 juin car ce désordre social est clairement motivé par des enjeux politiques ». Le chef de l’État accuse clairement les manifestants d’agir, non pas pour des motivations sociales mais bien politiques, du fait que le candidat de la gauche nationaliste, Ollanta Humala (qui affronte aux présidentielles la candidate de droite Keiko Fujimori) soit très plébiscité par les communautés indigènes de Puno, des accusations rejetées en bloc par les grévistes. Le chef de l’État a autorisé, dès lundi, les forces militaires à se positionner dans la région afin de protéger les édifices publics et les personnes, ce jusqu’à la date butoir fixée le 11 juin.

Des paysans boliviens se sont joints au mouvement de protestation « nous allons soutenir les protestations que mènent nos frères péruviens » a affirmé Fidel Pomacusi, dirigeant de la junta des voisins de Kasani, à environ 157 km à l’est de la Paz.


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