Pérou : Un autel sacrificiel de la culture mochica découvert aux environs de Trujillo

Au Pérou, des archéologues qui oeuvraient au Cerro Campana, à Trujillo (à environ 500 km au nord de la capitale Lima), ont mis à jour un autel sacrificiel appartenant à la culture mochica, une culture précolombienne qui s’est étendue tout au long de la côte nord-péruvienne, à peu près entre l’an 100 et l’an 700 après J.-C.

La montagne Campana se trouve à 16 km de la ville de Trujillo, capitale du département de La Libertad (la région de La Libertad est la seule région qui recouvre les trois milieux du pays : côte, montagne et forêt amazonienne). La culture Moche ou mochica est apparue vers le premier siècle et s’est développée jusqu’au VIIe siècle après Jésus-Christ le long d’une étroite frange désertique du littoral nord du Pérou, entre l’océan Pacifique et la cordillère des Andes.

Señor de Sipán

L’annonce de la découverte a été faite début avril par le scientifique Régulo Franco, responsable du projet archéologique « Huaca El Brujo », ce site a été identifié dans la région de Libertad (au nord de la région andine) et daterait d’environ 1600 ans, « Nous avons découvert un autel où se pratiquaient des décapitations d’hommes sacrifiés, ces derniers étaient par la suite jetés dans l’abîme, cela faisait partie des pratiques rituelles des mochicas », a-t-il déclaré. L’expert précise que la pierre polie a été trouvée il y a un mois sur le principal pic de la montagne Campana, située à 1000 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer. La structure rocheuse s’élève à environ un mètre et demi de hauteur, elle est formée de trois marches de 50 centimètres de longueur et possède une structure supérieure similaire à celle de l’Intihuatana (horloge solaire) de la fameuse cité inca du Machu Picchu (dans les environs de Cuzco).

« L’autel donne sur un abîme, ce qui correspond aux représentations que les Mochicas faisaient sur leurs céramiques où ils mettaient en scène des décapitations avec des têtes tombant dans les précipices », a précisé Régulo Franco.

« Les cultures mochicas adoraient le Dieu de la montagne et apparemment les sacrifices se réalisaient durant le solstice d’été, au moment où l’eau descend de la montagne pour arroser les terres de culture ». Selon Franco, ce lieu est clairement menacé par les pilleurs, ce pour quoi l’archéologue a déclaré « Nous mettons en place avec les autorités régionales et le maire de Huanchaco des mesures pour protéger le site. Dans le cas contraire, le site sera perdu ».

Le spécialiste souligne que cette découverte archéologique va permettre d’en apprendre davantage sur les rites réalisés dans l’ancien Pérou tout en soulignant que les précédentes découvertes avaient permis de découvrir des éléments archéologiques d’importance comme des géoglyphes anthropomorphes et géométriques dans le désert, el Templo de águila (Temple de l’aigle), un lieu de culte dédié à l’oiseau, révélé près d’un cimetière précolombien, ainsi que des terrasses utilisées comme terres de culture.

Inauguration par la reine Sofia

L’une des découvertes majeures de la culture mochica fut la tombe du Seigneur de Sipán, un musée se consacre d’ailleurs à présenter les raretés archéologiques provenant de ce complexe, il s’agit du musée Tumbas Reales de Sipán inauguré le 8 novembre 2002 et situé dans la ville voisine de Lambayeque. (http://www.museotumbasrealessipan.pe/principal.html).

Déjà connu avant 1987, ce complexe a acquis encore plus de notoriété grâce à la découverte par Walter Alva, spécialiste de la culture Moche, de l’impressionnante tombe d’un très haut dignitaire Moche, appelé « Seigneur de Sipán » d’après le nom du village voisin. La tombe abritait de précieux bijoux et autres ornements d’une valeur inestimable : objets d’or, d’argent, de cuivre, de bronze ou de terre cuite. Ce sont plus d’une centaine de pièces qui ont ainsi été excavées par Walter Alva, des restaurateurs, des étudiants et des ouvriers permettant une grande avancée dans la connaissance de cette culture pré-hispanique. Grâce a tous les éléments retrouvés, nous savons que ce seigneur fut enterré voici quelque 1700 ans dans un cercueil en bois avec tous les biens dont il s’était servi de son vivant, et était accompagné dans l’éternité par son entourage : ses trois jeunes épouses, un enfant, un chef militaire, un porte-étendard, un domestique, le soldat gardien du tombeau, deux lamas et un chien.

La tombe du seigneur de Sipán, fait d’ailleurs actuellement l’objet d’une exposition à Cadix en Espagne jusqu’au 10 septembre 2012 dans le cadre du projet municipal Cadix 2012 organisé pour la commémoration du bicentenaire de la première constitution espagnole. Ce sont près de 200 pièces qui sont ainsi exposées à la maison de l’Amérique Latine ou la Casa de Iberoamérica dont près de la moitié n’avaient jamais quitté le territoire péruvien, des objets « qui donnent une nouvelle vision de la culture précolombienne, puisqu’il ne s’agit pas de la culture inca toujours associée avec le Pérou, on parle d’une société qui se développa bien avant les incas, une civilisation très avancée qui a mis en place une société hydraulique », a déclaré aux journalistes Walter Alva durant une visite détaillée de l’exposition survenue une journée avant la visite officielle de la reine Sofia d’Espagne lors de l’inauguration du 27 mars. Un évènement durant lequel étaient également présents le ministre de la Culture espagnole, José Ignacio Wert, ainsi que l’ambassadeur du Pérou, Francisco Eguiguren. En effet, l’extraordinaire développement de l’agriculture d’irrigation sous la civilisation mochica a permis à cette population de survivre dans l’environnement très hostile du désert côtier. La technique utilisée consistait à dériver les eaux des fleuves et des rivières via des canaux creusés au coeur des vallées.

La prestigieuse revue National Geographic avait d’ailleurs qualifié la découverte comme étant « la tombe la plus riche » du Nouveau Monde. L’exposition ‘El Señor de Sipán, Huaca de la Luna y la Dama de Cao’ (Exposición sobre los tesoros pre-incas de la cultura mochica) dévoile des pièces exclusives jamais présentées en Europe.

Les quelque 200 pièces qui composent l’exposition ont pour but d’offrir un large panorama de la culture mochica au-delà des simples témoignages de sa magnificence (bijoux et objets précieux) en contextualisant la civilisation dans son environnement géographique, social et spirituel. Elle comporte également les travaux de l’université de Trujillo réalisés à Huaca de la Luna mais aussi les restes archéologiques de Huaca de Cao.

Il est à noter qu’il existe des vestiges architecturaux de cette culture qui sont aussi très intéressants et qui peuvent être découverts dans les départements péruviens de Ancash, La Libertad et Lambayeque par le circuit touristique « Ruta Moche » : il s’agit de monuments faisant fonction de temples et dont les exemples dégagés dans la vallée de Moche sont les plus significatifs. L’on peut mentionner la grande structure en adobe découverte près de la ville de Trujillo qui a été baptisée Huaca del sol (la plus gigantesque construction mochica) quoi que l’on ignore à quelle divinité elle était dédiée.

(Aline Timbert)

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