Le gouvernement argentin a fait savoir qu’il n’accordait aucun crédit au dernier rapport « Perspectives de l’économie mondiale », émis le 7 avril 2014, par le Fonds monétaire international sur la situation économique du pays dénonçant « une tournure idéologique » et affirmant que la politique économique mise en place par la présidente Cristina Fernández de Kirchner n’avait pas à être influencée par l’organisme international.
Le chef de cabinet argentin, Jorge Capitanich, a déclaré « nous ne devons pas un dollar au FMI alors ils n’ont pas à conditionner notre économie » affirmant même que l’organisme avait généré « la pire crise sociale et productive de l’histoire argentine » lorsque le pays a suivi ses recommandations, faisant allusion ainsi à la situation de 2001 lorsque le pays a vécu une véritable débâcle : « la pire crise sociale, productive, économique, fiscale et financière de l’histoire argentine ». Jorge Capitanich a aussi affirmé lors d’une conférence de presse que ceux qui établissent ces rapports « sont des techniciens qui proposent des ajustements interminables qui sont préjudiciables à la performance structurelle du pays ».
Les relations entre l’Argentine et le FMI, dont la directrice générale est la Française Christine Lagarde, sont d’ailleurs tendues et inopérantes depuis plusieurs années maintenant, ce qui n’empêche pas l’organisme international de scruter à la loupe les orientations économiques de ce pays d’Amérique du Sud.
L’Argentine ainsi que le Venezuela ont rompu leurs relations officielles avec le FMI, de sorte que l’organisme développe ses conclusions sur ces pays sans pouvoir réaliser d’audit sur le territoire. Le FMI remet également en question l’exactitude des chiffres transmis par l’Argentine et réclame, à ce titre, que le pays d’Amérique du Sud « adopte des mesures correctives pour améliorer la qualité des données officielles », en particulier en ce qui concerne le PIB. D’autres sources de données ont révélé une croissance réelle sensiblement inférieure aux chiffres officiels transmis depuis 2008. Par conséquent, les services du FMI utilisent aussi d’autres estimations de la croissance du PIB pour la surveillance de l’évolution macroéconomique du pays.
Le FMI a critiqué sévèrement les politiques économiques menées par l’Argentine et le Venezuela, les plaçant ainsi au même niveau, en qualifiant même de « très incertaines » les perspectives pour les deux nations. Dans son rapport divulgué au mois d’avril, le FMI prévoit une baisse de quatre points de la croissance argentine, celle-ci devrait s’avoisiner à 0,5 % en 2014, et également « une forte inflation et une diminution des réserves officielles de devises ». L’inflation s’explique d’une part par la monétisation du déficit public (2,1% du PIB d’émission en 2013 pour financer le Trésor) et par la politique commerciale protectionniste. Pour répondre à ce problème, les autorités instaurent diverses mesures pour essayer de la limiter parmi lesquelles le contrôle des prix, la limitation des revalorisations des salaires ou encore le gel des tarifs des services publics.
Selon le FMI, l’économie argentine va « décélérer de façon prononcée en 2014 » ajoutant « que l’activité en Argentine et au Venezuela continuent de faire face à des conditions difficiles de financement extérieur et aux effets de contrôles des changes et administratifs généralisés sur leur production ».
« Les politiques macro-économiques qui ont été continuellement expansives ont donné lieu à un fort niveau d’inflation et à une diminution des réserves officielles de devises » estiment les membres du FMI.
« L’activité en Argentine et au Venezuela devrait nettement se ralentir en 2014, bien que les perspectives soient entachées de fortes incertitudes. La poursuite systématique de politiques macro-économiques peu contraignantes a été source d’inflation et a provoqué les ponctions sur les réserves officielles en devises. L’écart entre le taux de change officiel et le taux de change du marché reste important dans les deux pays, et continue de s’accroître au Venezuela. Les mesures administratives prises pour gérer les déséquilibres intérieurs et extérieurs, notamment le contrôle des prix, les taux de change et du commerce, pèsent encore plus sur la confiance sur l’activité. Les deux pays ont récemment ajusté leurs taux de change, et l’Argentine a relevé ses taux d’intérêt, mais il faudra prendre des mesures de plus grande portée pour éviter un ajustement désordonné », peut-on lire dans le rapport du mois d’avril.
« En Argentine et au Venezuela, les perspectives à court terme se sont encore détériorées », tel est le constat du FMI dans sa dernière publication.
Très marquée par la crise économique de décembre 2001 et l’inflation qui met à mal la monnaie locale, le peso, depuis quarante ans, la population argentine dénigre sa monnaie au profit des dollars qu’elle épargne et qui servent majoritairement aux transactions immobilières. Le peso argentin s’est écroulé de plus de 11% au mois de janvier 2014 réveillant le souvenir angoissant de la crise financière de 2001.
Dans son rapport, le FMI souligne que, malgré les récentes dévaluations survenues en Argentine et au Venezuela, il est nécessaire d’effectuer un changement de politique substantielle « pour éviter un ajustement déréglé ». Le Venezuela a terminé l’année 2013 avec une inflation de 56,3 %, un chiffre sans précédent depuis 15 ans qui est le plus important d’Amérique latine. L’Argentine, de son côté, a enregistré une hausse des prix en 2013 évaluée à 28 %, des chiffres communiqués par des organismes de consultations privés qui placent le pays en quatrième position après le Venezuela, le Soudan, et l’Iran.
Les Argentins pourraient être confrontés à une inflation de 37 % sur les 12 prochains mois.
Le taux de chômage en Argentine a été évalué quant à lui à 7,1 % en 2013, cette année il devrait augmenter légèrement, les estimations sont de 7,6 % pour 2014. Lors de la terrible crise de 2001-2002, le chômage touchait 20% de la population active.
(Aline Timbert)