Le projet infrastructurel et touristique le plus emblématique du nouveau gouvernement s’appelle le « Train Maya » (« Tren Maya ») et il a été approuvé par consultation les 24 et 25 novembre denier en obtenant l’approbation de 89,9% des participants.
Le développement du sud-est du pays est l’une des priorités du président mexicain récemment investi, Andrés Manuel López Obrador. Pour stimuler le tourisme dans la péninsule du Yucatán, le président envisage de construire un tronçon ferroviaire qui s’étendra sur 1 525 kilomètres et qui traversera les États de Tabasco, Campeche, Yucatán, Quintana Roo et Chiapas afin de desservir les principaux sites touristiques que sont Cancún, Tulum, Calakmul, Palenque et Chichen Itzá.
Selon les informations publiées sur le portail Tren-Maya.mx, le projet vise à promouvoir le développement socio-économique de la région, à protéger et à réhabiliter les zones naturelles de la péninsule, à promouvoir l’inclusion sociale, à renforcer le tourisme et l’utilisation des terres.
Cependant, plus de 100 membres de la communauté universitaire et scientifique de la péninsule du Yucatán ont exprimé leur préoccupation face aux « effets négatifs possibles » relatifs à la construction du train Maya qui traversera ces 5 États du sud-est.
Dans une lettre en date du 19 décembre et adressée au président Andrés Manuel López Obrador, les experts ont averti qu‘« un projet de cette nature ne peut pas être entrepris sans une étude préalable, de grande envergure, des impacts écologiques, économiques, sociaux et culturels à court, moyen et long terme ».
C’est pourquoi ils ont demandé une analyse des « effets négatifs possibles » induits par les travaux sur les communautés natives, l’écosystème (ressources en eau, préservation des espèces animales et végétales…) et le patrimoine culturel comme les sites archéologiques. Dans chacun de ces domaines, les chercheurs ont mis en garde contre les risques inhérents aux travaux et ont présenté des arguments à prendre en considération, bien qu’ils aient souligné qu’un train à grande vitesse est une option plus respectueuse de l’environnement qu’une route.
La première préoccupation de ce groupe d’experts concerne les ressources en eaux, à ce titre ils ont averti que la construction de la ligne ferroviaire et l’exploitation du train pourraient avoir un impact sur deux zones de captage majeures : la zone nord-est de la péninsule du Yucatán, près de Valladolid, et le sud-est, dans la réserve de Calakmul.
« Ces zones devraient être protégées d’une déforestation plus importante et d’un excès d’extraction d’eau depuis les nappes phréatiques », ont-ils assuré.
Dimanche dernier, le président Andrés Manuel López Obrador a joué un rôle de premier plan lors d’une cérémonie pour demander la permission à la Terre Mère, en accord avec les croyances indigènes, pour la construction du train Maya, un acte qui s’est déroulé en présence de plusieurs communautés natives.
« Je suis heureux de participer à cette cérémonie, à cet acte de lancement du programme de construction du train Maya. Je commence par dire qu’hier, comme prévu par la loi, le budget de l’année prochaine a été présenté, un budget qui entrera en action à partir du premier janvier de l’année prochaine et dans ce budget, nous accorderons une attention particulière au sud et au sud-est du Mexique », a lancé Andrés Manuel López Obrador, président du Mexique lors de cet acte inaugural placé sous le signe de la tradition.
Cependant, depuis octobre dernier, comme nous l’avons évoqué, plusieurs organisations mettent en garde contre le risque environnemental, parmi les sources d’inquiétudes des défenseurs de l’environnement, il y a l’impact sur la population de jaguars.
Selon l’Alliance nationale pour la préservation du Jaguar, deux mille jaguars sont menacés par la construction du train Maya si cette dernière ne respecte pas à la lettre la législation environnementale:
« [La construction] ne devrait en aucun cas impacter les zones centrales et les zones tampons des zones naturelles protégées », a déclaré Gerardo Ceballos, président de l’Alliance nationale pour la conservation du Jaguar, lors d’une réunion avec le président du FONATUR, Rogelio Jiménez Pons.
L’inquiétude est née d’une proposition initiale qui faisait passer le train à travers la réserve de biosphère de Calakmul et où vivent un millier de jaguars. Après l’Amazonie, la plus importante population de jaguars de la planète vit dans la péninsule du Yucatán. Selon Remolina, membre du Groupe d’experts sur la conservation des félins sauvages du Mexique, le tracé de la route traverserait des régions peuplées par ce félin inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition.
Selon Francisco Remolina, construire le train maya, ce serait construire une sorte de barrière physique à l’intérieur de la maison du jaguar. Les animaux ont besoin d’un domaine vital, d’une zone pour mener leurs activités telles que la chasse et la reproduction, ce qui dans le cas du jaguar induit un périmètre très large estimé entre 30 et 50 kilomètres, a affirmé le spécialiste.
« Entrer dans le domaine vital du jaguar causerait, à l’avenir, la consanguinité. Petit à petit, nous pourrions le pousser à avoir moins de chances de survivre », répète Remolina. Cependant, la perspective d’un développement économique pour cette région du Mexique n’échappe pas aux écologistes, mais encore une fois ils souhaitent que ce projet soit mis sur pied sans nuire à l’environnement :
« S’il s’agit d’un projet à bénéfice social, nous ne pouvons pas nous opposer à ce qu’il soit fait. Mais nous pouvons être attentifs et exiger que ce soit fait de manière ordonnée et, surtout, avec un appui scientifique encadré par un groupe multidisciplinaire. Évidemment, tout travail dans une zone aussi sensible que Tulum rend certains sites vulnérables, vous devez donc être extrêmement prudent », a affirmé Guillermo de Anda, responsable du projet Gran Acuífero Maya.
Dans le but d’apaiser les esprits, le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles (Semarnat) a publié cette semaine une déclaration précisant que l’ensemble du projet touristique dans la péninsule du Yucatán fera l’objet d’une évaluation de l’impact sur l’environnement, prévue par la loi pour tout type de travaux d’infrastructure.
« Le projet vise à stimuler le tourisme afin que ceux qui visitent Cancún puissent visiter les autres États du sud-sud-est, pour que cet afflux de touristes soit exploité, afin que les touristes ne profitent plus seulement de la mer des Caraïbes, mais qu’ils connaissent tous la richesse culturelle écologique […] cet ouvrage signifiera des emplois pour Palenque et d’autres États de la région », a affirmé Andrés Manuel López Obrador.