La Bolivie, par l’intermédiaire de son président de gauche, Evo Morales, a pris la décision samedi 1er mai, jour emblématique de la fête du Travail, de nationaliser quatre compagnies d’électricité dont le capital était aux mains d’entreprises privées françaises, britanniques et boliviennes, a déclaré le président de l’entreprise nationale d’électrification (ENDE, publique), Roberto Peredo.
« Encore une fois, en ce jour du premier mai, nous récupérons des entreprises privées » a déclaré Evo Morales faisant allusion aux précédentes nationalisations (au nombre de sept) toujours annoncées le 1 mai depuis 3 années maintenant.
Il y a de cela quelques mois, le gouvernement bolivien avait fait part de ses intentions de nationaliser deux compagnies Corani, gérées par Inversiones Econergy Bolivia SA, filiale du groupe français GDF Suez, Guaracachi (filiale de la britannique Ruelec PLC) et Valle Hermoso dont la moitié des actions appartiennent au groupe Bolivian Generating Group.
De la même façon, le gouvernement a adopté un décret dans le but d’acheter l’ entreprise Empresa de Luz y Fuerza Eléctrica de Cochabamba (ELFEC) dans la localité même de Cochabamba afin de s’alimenter en électricité, un syndicat local devrait en assurer la gestion, cette décision a été prise afin de calmer les salariés qui sont défavorables à cette nationalisation.
Ce vaste projet de nationalisation s’inscrit dans un processus de réappropriation par le pouvoir en place des ressources naturelles, le président Evo Morales a pour objectif de contrôler l’ensemble du secteur électrique aux différentes étapes de son acheminement, soit de la production à la distribution. Selon le chef d’Etat, avec cette vague de nationalisations, l’Entreprise National d’Electricité de l’Etat (ENDE) contrôlera « plus de 80 % de l’énergie produite en Bolivie ».
Le président a fait part de sa volonté « tôt ou tard » de « contrôler et d’administrer la totalité des entreprises depuis la chaîne de production, en passant par le transport jusqu’à la commercialisation de l’électricité », sans toutefois annoncer de délai précis pour parvenir à la concrétisation de son objectif.
Le secteur électrique était aux mains d’entreprises privées depuis 1996 « nous allons mettre fin à ce processus ténébreux, macabre et dévastateur qui dure depuis 15 ans dans le domaine de l’électricité, et qui se caractérise par un courant néolibérale nuisible à cette entreprise nationale (ENDE), sans laquelle nous ne parviendrons pas au développement du pays » a affirmé le ministre des Hydrocarbures et de l’Enérgie , Fernando Vincenti.
La nationalisation des compagnies électriques devrait garantir la stabilité laborale des travailleurs et permettra selon le gouvernement de réduire de 20 % les prix de l’électricité.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2006, Morales a nationalisé une douzaine d’entreprises dans les secteurs pétrolier et minier mais aussi dans le domaine des télécommunications. D’autres petites entreprises de production d’électricité vont également passer du privé au public en accord avec cette mesure prise le jour de la Fête du Travail.
Les groupes étrangers seront dédommagés à hauteur de leur participation au capital des compagnies concernées, a annoncé le gouvernement bolivien qui retiendra sur cette somme des arriérés d’impôts.
Le groupe français GDF Suez SA s’est par ailleurs exprimé dimanche en déclarant qu’il « respectait la législation bolivienne, mais que le groupe défendrait ses intérêts dans le pays ».
De son côté un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Romain Nadal a déclaré : « Si la France respecte le droit souverain de l’Etat bolivien à assurer le contrôle direct de ses ressources naturelles, elle n’en attend pas moins que la nationalisation soit accompagnée d’une indemnisation prompte et adéquate, calculée sur la valeur réelle de l’investissement à la date de l’expropriation. »
L’ambassadeur de Grande-Bretagne à La Paz a manifesté sa déception mercredi après l’annonce de cette vague de nationalisation dont une filiale du britannique Rurelec PLC
L’exécutif bolivien a par ailleurs promis qu’il ne procéderait à aucun licenciement, alors que la grogne sociale monte.
Des salariés et professeurs du secteur public ont manifesté pour protester contre la proposition gouvernementale d’augmentation des salaires qu’ils jugent insuffisante (5 %). Ce conflit social a conduit M. Morales à renoncer à participer aux manifestations du 1er mai organisées par la Centrale ouvrière bolivienne ou Central Obrera Boliviana (COB, syndicat unitaire), qui était jusqu’ici l’un de ses principaux alliés. C’était la première fois que le président ne participait pas à ce défilé, signe d’une tension palpable entre le gouvernement et les représentants syndicaux.
La décision du gouvernement bolivien a également suscité les réactions de ses voisins latino-américains.
Le président colombien, Alvaro Uribe a remis clairement en question ce processus de nationalisation et a affirmé que le rejet des investissements privés va entraîner des revers sociaux importants.
« Je crains que ces économies latino-américaines qui au fur et à mesure anéantissent les investissements privés risquent de connaître de profonds échecs sociaux »
Le président de Venezuela, Hugo Chávez, a affirmé au journal brésilien Folha de Sao Paulo que le processus de nationalisation d’entreprises engagé par son gouvernement n’excédait pas les 30% et a précisé qu’il se concentrait sur des « secteurs stratégiques ».