Bolivie : Après la vague de froid exceptionnelle, la sécheresse frappe l’Oriente !

Les colossaux fleuves du Beni en Bolivie souffrent d’une métamorphose historique. Ces géants fluviaux sont devenus des cours d’eau timides et dans les ports, où habituellement sont enclavés les bateaux de fort tonnage, il n’y a que le sable ou des chevaux qui se restaurent de la verdure qui est né de la légère humidité du sol. Ceux qui se risquent à naviguer sur ces cours d’eau asséchés savent qu’à un moment ou un autre leur voyage sera interrompu par ces murs de sables qui feront échouer l’embarcation, l’équipage devra alors descendre avant les ravins et poursuivre son chemin par voie de terre au moyen d’un véhicule motorisé.

Cette situation s’explique par la sécheresse « 100 % des fleuves du Beni, se trouvent dans une situation de crise hydrologique en raison d’un manque de précipitations » a confirmé Luis Antonio Philips, hydrologue de profession et directeur du système d’Alerte et de Gestion des Risques du département du Beni (Sistema de Alerta Temprana y de la Gestión de Riesgo de la Gobernación de Beni).

Concrètement, sur les 50 fleuves et affluents du Beni, seuls 16 d’entre eux sont encore navigables, les autres s’assèchent et il y a des fleuves, y compris le géant Mamoré (tributaire majeur de l’Amazone), qui présentent une profondeur ne dépassant pas les 80 centimètres.

Ce phénomène dépasse tous les records historiques précédemment observés, et même l’important déficit enregistré il y a 10 ans n’atteignait pas ce niveau d’alerte inquiétant (à savoir moins d’un mètre de hauteur), sur les fleuves el Mamorecillo, Mamoré, Iténez, Blanco, Yacuma, parmi d’autres. Tous sont affectés par la sécheresse.

Les effets du manque de pluies sont plus que visibles, 800 communautés, qui réunissent près de 400 000 personnes, vivent près des cours d’eau navigables et autres affluents d’Amazonie, leur vie sociale, économique, et culturelle dépendent des activités liées à la navigation.

L’Agence Nationale Trans Navale (La Agencia Regional Trans Naval) révèle que l’envoi de gasoil à Guayaramerín (ville du département du Beni) ou vers d’autres destinations, afin d’alimenter les besoins énergétiques du Beni et de Pando, ont chuté de 50 % étant donné que les barcasses ne peuvent plus sillonner les fleuves avec les 450 000 litres d’approvisionnement nécessaires. Approvisionner par voie terrestre est quasiment impossible. Il faut savoir que la position de Guayaramerín est stratégique car il s’agit du dernier point navigable de l’axe Ichilo – Mamoré, l’une des plus grandes voies fluviales du pays reliant le Beni aux départements de Santa Cruz et de Cochabamba.

Le capitaine du navire Amilcar Morales assure que le transport terrestre coûterait le double voire le triple, de plus il faudrait au moins 10 camions citernes pour transporter l’approvisionnement d’une seule barcasse, soit environ 350 000 litres de combustible, de plus les camions ne garantissent pas toujours un trafic fluide.

Le capitaine Gary Villagómez, qui dirige l’équipage du bateau Mari Luz, est contraint de jeter l’ancre à 20 km de Santa Ana de Yacuma car les pierres l’empêchent d’arriver jusqu’au port Junín. Il a improvisé un port de fortune et le responsable logistique met trois jours à transporter les marchandises par voie de terre jusqu’à Santa Ana.

Selon Philips, le Centre d’Opérations d’Urgence (el Centro de Operaciones de Emergencia ou COE) du Beni a déclaré la situation d’urgence dans le département puisque ces conditions météorologiques extrêmes affectent de nombreuses municipalités.

Certains y voient une année apocalyptique pour l’Amazonie bolivienne, le froid polaire a tué une grande partie des poissons qui vivent dans ces cours d’eau, puis les incendies forestiers ont dévasté et ravagent encore de nombreuses cultures dont dépendent les communautés rurales. Les animaux qui évoluent dans ce milieu naturel, et dont peuvent s’alimenter ces communautés, ont péri ou pour la plupart ont fuit la zone dévastée.

Actuellement, c’est la grande sécheresse qui menace, et les habitants qui vivent près des fleuves ont perdu leur liberté ne pouvant plus se déplacer par les voies navigables, leur principal mode de locomotion.

Amilcar Morales, membre des Services d’Amélioration de la Navigation sur l’Amazonie (Servicio de Mejoramiento a la Navegación Amazónica), a affirmé que pour venir à bout de la sécheresse, il devrait pleuvoir sans interruption au moins cinq jours, à raison de 10 litres par mètre carré. Mais cette eau ne sera pas pour autant bénite, comme le craint l’hydrologue Luis Antonio Philips, car elle risque de transporter les cendres des incendies (pollution des eaux), de fait, cela constituerait un nouveau problème pour les communautés évoluant au bord de l’eau.

Certains habitants du Beni arrivent à la conclusion suivante, selon eux, si la situation devait perdurer, la population pourrait fuir d’ici deux mois. En effet, les réserves alimentaires diminuent dangereusement faute d’approvisionnement, les années précédentes les communautés chassaient dans la forêt pour survivre, mais cette année il n’y a même pas cette possibilité pour subvenir à ses besoins élémentaires.

Le Ministère de la Santé, du district du Beni, est parvenu, de plus, à la conclusion qu’au moins dix des affluents hydrologiques, souffrent d’une contamination bactériologique et l’eau est de fait impropre à la consommation humaine. Ce sont les conclusions d’un rapport scientifique sur le contrôle et la surveillance de la qualité des eaux des fleuves remis par l‘Unité de Santé environnementale et d’innocuité Alimentaire (la Unidad de Salud Ambiental e Inocuidad Alimentaria).

Le rapport a été effectué par Luis Antonio Philips et il est assez alarmant. Les résultats révèlent que des fleuves emblématiques comme el Ibare et el Mamoré, et certaines lagunes où diverses communautés viennent étancher leur soif, présentent des signes forts de contamination et boire cette eau peut causer de très sérieuses pathologies.

Philips a déclaré que la forte mortalité de poissons, en raison de la vague de froid sans précédents du mois de juillet, a converti les fleuves en foyers d’infection, boire ou se baigner dans ces eaux peut être très risqué pour la santé. Mais les locaux ignorent ces recommandations sanitaires et continuent de consommer l’eau des fleuves et de se baigner dans les eaux contaminées.

Selon les dernières informations des médias boliviens (El Deber du 19 septembre), 40 communautés du Beni n’ont plus accès à l’eau, comme conséquence directe de cette sécheresse, le maire de Riberalta, Mauro Campero, assure que les paysans doivent marcher sept kilomètres pour chercher le précieux liquide, qui peut être contaminé ! Des pathologies intestinales ont déjà été relevées, principalement parmi la population infantile.

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