Pérou : La dénutrition n’épargne pas les enfants indigènes malgré son recul

La dénutrition chronique affecte toujours, avec intensité et persistance, les enfants indigènes, âgés de moins de cinq ans, et qui habitent dans les régions andines du Pérou bien que les autorités locales des-dites zones aient reçu les subsides assurés par le « Canon minero »,  allocation instaurée depuis 2006. Le « Canon Minero », est la participation financière dont jouissent les gouvernements locaux (municipalités, provinces, districts) et les gouvernements régionaux sur le total des recettes et rentes obtenues par l’État pour l’exploitation des ressources minières sur le territoire péruvien.

Pour rappel, la dénutrition est un état pathologique résultant d’apports nutritionnels insuffisants en regard des dépenses énergétiques de l’organisme. Lorsque les apports sont inadaptés en plus d’être insuffisants on préfère parler alors de malnutrition.

Deux enquêtes du bureau du Fond des Nations Unies pour l’enfance à Lima, intitulées ‘État de l’enfance indigène au Pérou en 2010’ et ‘État de l’enfance au Pérou en 2010’, qui seront présentées les prochaines semaines, révèlent que la dénutrition chronique a reculé dans le secteur rural de façon significative entre 2005 et 2009, un taux qui est passé de 40 à 33 % en quatre ans.

Cependant, si l’on se penche attentivement sur cette étude, force est de constater que ce recul est moins évident parmi les populations autochtones, priorité pourtant des politiques gouvernementales en raison de la pauvreté plus importante parmi les natifs. 56 % des enfants âgés de moins de cinq ans de la région sud andine de Huancavelica sont indigènes, et sur ce total, 43 % souffrent de dénutrition chronique. La région voisine de l’Apurímac compte sur 61 % d’enfants indigènes dont 29 % subissent cette carence alimentaire, source de séquelles physiques et intellectuelles irréversibles.

Huancavelica et Apurímac ont obtenu entre 2006 et 2010 peu de subsides de la part du « Canon Minero », respectivement 29,5 millions et 17 millions de dollars, selon des chiffres émis par le ministère de l’Économie et des Finances, ce qui expliquerait ces avancées médiocres dans le domaine de la prévention sanitaire.

Cependant, il est incompréhensible que la région de Cusco, qui a obtenu 212,5 millions de dollars au moyen de la redevance minière sur la même période, présentent des taux de dénutrition chronique toujours aussi élevés. 45 % des enfants de moins de cinq ans sont d’origine indigène dans cette région, parmi cette jeune population 32 % souffrent de dénutrition chronique selon l’Unicef. Malheureusement, Cusco n’est pas un cas unique.

La région de Ancash, au nord des Andes, et celle de Puno située dans l’Altiplano ont reçu respectivement 1.281 et 238,6 millions de dollars, selon le ministère de l’Économie. Malgré cela, les bénéfices sur les enfants indigènes ont été quasiment nuls. 29 % des enfants de la région de Ancash sont indigènes, parmi lesquels 23 % sont touchés par la dénutrition chronique (un poids est une taille inférieure à la normale pour des enfants de leur âge). A Puno, ce sont 49 % des enfants qui sont d’origine indigène, parmi eux 20 % subissent les affres d’une mauvaise alimentation.
« La dénutrition chronique rurale a diminué avec un pourcentage considérable dans la sierra, de 39 % en 2000 à 30 % en 2009, tandis que dans la Selva, le taux est passé de 30 à 22 % » a expliqué Lena Arias, assistante technique de l’Unicef au Pérou.

« Cependant, si nous portons notre attention sur les six régions où le taux d’enfants indigènes dépasse les 25 %, on peut remarquer que le taux de dénutrition chronique qui affecte les mineurs de moins de cinq ans et largement au-dessus de la moyenne nationale, qui tourne autour de 18 % ».

« Il y a un recul évident de la dénutrition, toutefois, les brèches entre population urbaine et rurale, entre pauvres et moins pauvres, entre indigènes et non indigènes, restent importantes. Les enfants indigènes vivant en milieu rural restent les plus vulnérables » a précisé Arias, l’une des enquêtrices pour le rapport ‘État de l’enfance indigène au Pérou en 2010’. Dans quelques semaines, l’Unicef publiera un nouveau rapport sur la situation de l’enfance au Pérou où il fera mention des apports importants en matière de santé, en particulier en ce qui concerne l’alimentation, la mortalité infantile et maternelle.
« Les brèches sont importantes, spécialement en ce qui concerne les populations indigènes, dans ce cas précis, elles ont encore augmenté » a déclaré Mario Tavera, l’un des auteurs, membres de l’Unicef, qui a participé à la rédaction de ce rapport depuis Lima « des progrès ont certes été faits pour prévenir la dénutrition chronique, mais ils sont encore trop limités. Aujourd’hui encore un enfant sur sept âgés de moins de cinq ans au Pérou souffre de dénutrition. Ce chiffre augmente parmi les populations indigènes, puisqu’il s’agit d’un enfant sur deux qui fait face à cette pathologie », a-t-il précisé.

Interrogé sur le fait que certaines régions qui bénéficient de millions de subsides fournies par l’allocation minière n’étaient pas capables de réduire de façon significative les niveaux de dénutrition chronique parmi les enfants indigènes, Tavera a expliqué que la question ne se limitait pas à ce point mais à des problèmes de fond : les politiques publiques spécifiques.

« Les moyens économiques sont une bonne base pour améliorer la situation sociale de la population tout particulièrement parmi les enfants, cependant la disponibilité économique ou l’augmentation des ressources ne garantisse pas un impact évident sur les indicateurs sociaux » a-t-il ajouté.
Le chercheur Epifanio Baca, du Groupe Proposition Citoyenne ou « Grupo Propuesta Ciudadana », entité qui regroupe 11 organisations non gouvernementales, a expliqué que le problème n’était pas seulement attribuable au gouvernement central mais aussi aux gouvernements régionaux et locaux.
« Ils ne remplissent pas les fonctions ni le travail qui leur incombent, dans de nombreux cas » a déclaré Baca avant de souligner « les autorités régionales et et municipales accentuent l’investissement sur les infrastructures qui ont un impact sur la réduction de la dénutrition chronique, mais il est aussi important de consacrer des fonds à des programmes qui par exemple cherchent à améliorer les pratiques alimentaires et sanitaires des populations indigènes afin de limiter l’incidence de la dénutrition ».

Baca a ajouté que, parmi les régions qui bénéficient de millions d’investissements grâce au « Canon minero », 33 compagnies qui exploitent les minerais se sont engagées à donner depuis 2007 et pour une durée de cinq ans un apport volontaire de 178,5 millions de dollars annuels pour que des investissements dans le secteur social aient lieu.
« C’est un problème très complexe qui n’est pas uniquement celui de l’État. Par exemple, les entreprises minières comme Xstrata Tintaya, Barrick y Cerro Verde offre un important financement, cependant il existe aucune traçabilité concernant l’impact que cet argent a engendré sur les communautés autochtones. Cela semble sans intérêt », déplore Baca.

Le président régional de Ayacucho, Ernesto Molina, a informé qu’aucun district de sa juridiction se trouvait dans une situation vulnérable face aux problèmes de la dénutrition chronique infantile, en accord avec le rapport du « programme mondial des aliments » et du « programme des Nations unies pour le développement » (PNUD).
« C’est une surprise agréable que de constater que cette étude qu’aucun district de la région figure comme vulnérables, à la différence de Cusco qui pourtant bénéficié d’un important soutien financier » a déclaré Molina à l’Agence Andine « la Agencia Andina ».

Il soutient que cette avancée coïncide avec la diminution de la pauvreté dans la région, ainsi qu’une diminution de la mortalité infantile et des problèmes de santé liés à l’anémie.

« Il existe une série de facteurs qui ont contribué à la diminution de la pauvreté dans cette zone, tels que les investissements pour la modernisation des centres de santé et des hôpitaux qui sont désormais équipés comme il se doit » a déclaré le président régional. Il a également souligné l’aide des organisations internationales comme les Nations unies au moyen de ses programmes d’alimentation et de protection de l’enfance.

« Les résultats de leur présence à Ayacucho ont été probants » a-t-il précisé.

Selon le rapport, les trois provinces les plus vulnérables du Pérou en ce qui concerne la dénutrition infantile sont Pachitea (Huánuco), Paucartambo et Paruro (Cusco). Les départements de Huancavelica, Apurímac et Cajamarca sont les plus vulnérables tandis qu’à la différence, Ica, Lima et Callao le sont le moins.

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