Les autorités péruviennes ont annulé, de façon définitive, vendredi 8 avril, le projet minier qui depuis plusieurs jours (17 jours précisément) était à l’origine d’une protestation acharnée parmi la population, essentiellement agricole, de la province de Islay. Ce projet d’envergure baptisé « Tía María », était encadrée par l’entreprise Southern Copper, aux capitaux mexicains, et devait être mis en place, de façon effective, dans les semaines à venir, une implantation rejetée par une population déterminée qui a sévèrement manifesté son mécontentement dans les rues.
Une opposition populaire qui a dû faire face aux forces de police, déployées pour contrer le mouvement social, des affrontements musclés qui ont fait trois morts (par balles) et 55 blessés parmi les civils. Le ministère de l’Energie et des Mines (MEM) a finalement reconnu que cette implantation était « inadmissible »et a rejeté l’Etude d’Impact Écologique relative au projet de prospection minière qui devait à la base se développer dans cette localité de la région péruvienne d’Arequipa. Une décision du gouvernement péruvien qui intervient alors que se tient aujourd’hui, dimanche 10 avril, le premier tour des élections présidentielles dans un climat de profonde incertitude concernant les résultats.
« Nous avons annoncé l’émission d’une résolution directoriale qui déclare inadmissible le projet et qui stipule que l’entreprise concernée doit s’abstenir de se livrer à une quelconque activité minière dans la zone » a signalé le ministre de l’Energie et des Mines, Pedro Sánchez. Le ministre a effectué cette annonce vendredi après qu’il se soit réuni avec des dirigeants régionaux et locaux de Arequipa et d’Islay, qui avaient fait le déplacement jusqu’à la capitale, Lima, afin de trouver pour une solution au conflit.
Le ministre a signalé que l’entreprise Southern devait se retirer immédiatement de la zone en emportant les machines de prospection qu’ils avaient déjà emmenées sur place dans le but de démarrer leurs activités au plus vite. Il a également souligné que le dossier avait été soumis au bureau des Nations unies « la Oficina de las Naciones Unidas de Servicios para Proyectos » (UNOPS) afin que celui-ci évalue la viabilité de l’EIA (Estudio de Impacto Ambiental).
« En conséquence, lorsque l’entreprise a présenté l’étude, nous l’avons transmise au bureau mentionné, qui a émis une série d’observations » a-t-il révélé pour ensuite préciser que l’entreprise pourrait prendre connaissance de ce rapport afin d’effectuer les changements opportuns avant de représenter un nouveau dossier à l’UNOPS.
« Cependant au vu des événements et à la lumière de la situation dans laquelle se trouve le projet, nous avons dû accélérer le processus d’évaluation et revoir les documents de l’EIA qui révèlent des éléments qui sont insurmontables et qui par conséquent induisent la caducité du projet » a-t-il souligné.
Le ministre Pedro Sánchez a précisé que la décision avait été prise suivant un processus qui permet à l’État péruvien de mettre fin à un conflit social (d’une grande ampleur) qui perdurait depuis plusieurs jours, et a précisé que la solution avait été trouvée à travers le dialogue avec les dirigeants des habitants.
Le lancement prochain des activités minières « Tía María » avait généré un fort courant protestataire parmi les habitants de Islay, qui considéraient que ce projet allait causer d’importants dommages environnementaux et allait également perturber leurs ressources hydriques. En début de semaine, les manifestants ont radicalisé leur mouvement contestataire et l’affrontement qui a eu lieu avec les forces de l’ordre s’est soldé par un mort parmi les protestataires. Jeudi 7 avril, ce sont de nouveaux affrontements qui se sont déroulés et qui ont fait deux autres victimes mortelles et 44 blessés parmi les manifestants. Mardi dernier, le gouvernement régional de Arequipa avait pris la décision de suspendre temporairement le projet en attendant une réponse du gouvernement national.
La population s’opposait depuis plusieurs mois à ce projet qui devait se développer dans le district de Cocachacra (province de Islay). « Tía María », supposait pour l’entreprise Southern Copper un investissement de 949 millions de dollars, et devait fournir 120 000 t annuelles de cuivre durant les 20 prochaines années. Après avoir connaissance de la décision du gouvernement, la Coordinadora Andina de Organizaciones Indígenas (CAOI) a considéré que s’agissait « d’une victoire pour Islay » et a déclaré que la décision satisfaisait les habitants car ce projet menaçait de contaminer les eaux du fleuve Tambo, « un élément vital pour la consommation et pour les activités de subsistance des habitants ».
La CAOI a rappelé que plus de 90 % de la population avait rejeté l’entrée de la compagnie minière dans leur localité lors d’une consultation populaire réalisée le 27 novembre 2009 par la municipalité du district de Cocachacra. Julio Gutiérrez, leader des populations de Islay, a mis l’accent sur le triomphe populaire après s’être réuni avec des représentants du MEM. Il a déclaré « plus aucun projet minier ne pourra mettre en danger notre province ».
La Southern, filiale de Grupo México, possède une raffinerie de cuivre à Ilo dans la région de Moquegua (voisine d’Arequipa) et exploite deux gisements de cuivre dans le sud du pays, elle a enregistré des bénéfices nets de plusieurs millions de dollars ces cinq dernières années, selon l’économiste péruvien Pedro Fancke.
Le directeur de l’O.N.G. internationale « Human Rights Watch » a assuré que « ceux qui ont fait preuve d’un excès de zèle durant les affrontements devraient répondre de leurs actes devant la justice ».« Human Rights Watch » reconnaît que « la police péruvienne a le devoir de répondre aux manifestants qui ont recours à la violence et d’arrêter ceux qui transgressent la loi » avant d’ajouter « mais ils sont également l’obligation de respecter les droits fondamentaux des manifestants ». L’O.N.G. fonde ses déclarations sur un rapport de la Coordinadora Nacional de Derechos Humanos qui indique que » l’usage de la force avec des conséquences mortelles de la part de la police n’est pas son adéquation avec les normes internationales ».