Pérou : Un important mouvement social à l’origine d’un blocus à la frontière bolivienne (Puno)

Les paysans péruviens, qui bloquent depuis 11 jours le passage à la frontière bolivienne (région de Puno), ont intensifié mercredi 18 mai le mouvement protestataire mené contre l’installation d’une entreprise canadienne d’exploitation minière dans leur région. Le blocus des accès routiers a débuté le 9 mai dans la ville frontière de Desaguadero, principale route entre les deux nations, et s’est étendue jusqu’à la localité de Yunguyo, affectant principalement le transit des marchandises boliviennes vers le Pérou et celles qui transitent depuis le port péruvien de Puno jusqu’à des destinations d’outre-mer.

Les grévistes assurent que la région concernée par ce projet « el cerro Santa », dans le district de Huacullani-Chucuito-Puno, doit demeurer une zone d’élevage, de pisciculture et d’agriculture. À la zone frontière entre le Pérou et la Bolivie, et plus particulièrement dans la ville de Desaguadero, « la situation s’avère très difficile en raison du nombre de paysans qui bloquent l’accès en guise de protestation » à cela s’ajoutent des manifestations de rue menée par des habitants eux-mêmes. Les paysans issus des communautés indigènes, pour la plupart des aymaras, ont réitéré leur détermination à empêcher qu’une quelconque exploitation minière puisse développer ses activités dans la zone car il s’agit d’une région agro-pécuaire et qu’ils ont d’autres projets de développement, parmi lesquels l’expansion de la production laitière.

« Ils ne permettront aucune activité minière qui puisse contaminer les eaux du lac binational Titicaca, de même que les terres lacustres, et nous avons été informés que trois provinces péruviennes sont en grève totale et qu’il y a au moins 600 camions à fort tonnage bloqués du côté bolivien tandis que 200 autres sont stoppés du côté péruvien » a déclaré le correspondant sur place de la chaîne TeleSur, Freddy Morales. Les paysans ont nié un quelconque lien politique avec les candidats en lice pour l’élection présidentielle qui se tiendra au Pérou le 5 juin prochain, à savoir Keiko Fujimori et Ollanta Humala. Le discours du président concernant une manipulation électorale faisait avant tout allusion à l’un des candidats, sous-entendu le candidat de gauche nationaliste, Ollanta Humala, d’être derrière cette vague de protestations.

Le président en place, Alan García, (il quittera ses fonctions le 28 juillet après cinq ans de pouvoir) avait accusé les grévistes d’agir par conscience politique et non sociale en instaurant sciemment le chaos sur le territoire national. De leur côté, les manifestants nient toute manipulation politique et se défendent, chiffres à l’appui, de vivre dans une zone où les recettes proviennent de l’agriculture et de l’élevage, à ce titre ils ne souhaitent pas mettre en danger l’équilibre environnemental de la zone. Depuis la ville de Desaguadero, les commerçants vivant dans les villages ont rejoint les paysans dans leurs mouvements par crainte d’une éventuelle contamination provoquée par des activités minières qui pourraient ainsi faire fuir la population et rendre la ville désertique.

Cela fait maintenant 11 jours consécutifs, que la frontière entre la Bolivie et le Pérou est bloquée par la présence de paysans péruviens, ils empêchent la libre circulation des individus et des marchandises, dans plusieurs localités parmi lesquelles Desaguadero, Zepita, Yunguyo, Pomata et Juli, des villes traversées par une route à caractère binational. Les manifestants exigent que le gouvernement régional adopte une mesure qui interdise totalement la délivrance de concessions minières dans la zone concernée. Après avoir sollicité la présence d’autorités gouvernementales qui puissent se rendre compte de la réalité du mouvement sur le terrain, une commission ministérielle est arrivée lundi dans la ville de Puno (au sud-est du Pérou) et a convoqué les responsables du mouvement de grève afin de se livrer à un dialogue sérieux et construit. La Commission est encadrée par les vice-ministres péruviens rattachés aux Mines, Fernando Gala, et à l’Intérieur, Jorge Luis Caloggero, il compte également sur la présence du directeur du Bureau des Conflits de la Présidence du Conseil des Ministres, Ronald Ibarra. Un dialogue, pour le moment, qui ne donne aucun résultat…
Tandis que le conflit gagne en ampleur un peu plus chaque jour, des responsables de la Fédération du Transport Poids Lourd International de Bolivie ont sollicité, en début de semaine, les autorités péruviennes afin qu’une solution soit trouvée dans la localité de Desaguadero.

Des sources médiatiques, au niveau local, ont informé que ce sont près de 25 000 paysans qui protestent contre ce projet minier mené par l’entreprise canadienne Bear Creek dont l’intention est d’exploiter le sous-sol dans cette région du pays avec les possibles répercussions environnementales que cela peut causer, et les conséquences directes que cela peut produire sur une population vivant de l’agriculture et de l’élevage.

Le président de la République péruvien Alan García a menacé mardi de lever le blocus par la force. « Ces désordres ont toujours pour objectif de mettre la société, et dans le cas présent la société bolivienne, contre le mur avec un pistolet sur la tempe » a assuré le chef de l’État. Il a également ajouté « aucune forme d’extrémisme n’est salutaire, ni l’exploitation minière désordonnée et incontrôlée, ni l’interdiction totale de cette même exploitation, car cela laisse de nombreuses personnes sans travail, j’espère que la raison va primer, et qu’à 20 jours du second tour présidentiel, une solution soit trouvée ».

Ce sont près de 600 véhicules poids lourds boliviens qui se trouvent bloqués à la frontière avec le Pérou comme l’a souligné le responsable de la Chambre des Exportations de Santa Cruz (Cadex), Ramiro Monje, à ces chiffres s’ajoutent 300 d’autres types de véhicules motorisés. Monje a précisé que parmi les marchandises bloquées, l’on retrouvait du soja, de l’huile raffinée, et de la farine de soja, des produits qui n’ont pas été livrés sur le territoire bolivien depuis 11 jours.

Les exportateurs boliviens ont estimé les pertes liées au blocus à 4,5 millions de dollars tout en précisant que la majorité des camions retenus à la frontière, aux abords du lac Titicaca sont partis de Santa Cruz et qu’ils transportent majoritairement des produits agro-industriels.

Ce blocus paralyse également de nombreux touristes venus visiter le célèbre lac Titicaca et ses alentours (l’une des principales destinations touristiques des visiteurs nationaux et étrangers), ils doivent à ce jour embarquer afin de se rendre d’un pays à un autre. La responsable du Bureau des Migrations de Puno, Janneth Capacoila, a informé que les touristes qui souhaitent prendre la direction de la Bolivie doivent passer par la localité de Kasani, située dans la province de Yunguyo, ou bien par Tilali, dans la province de Moho, où leurs bureaux attendent, à portes fermées, enfin de ne pas subir « l’assaut » des grévistes. La fonctionnaire a informé que quotidiennement ce sont environ 2000 étrangers qui rentrent au Pérou à la frontière de Desaguadero, alors qu’à Kasani se sont seulement 600 visiteurs qui transitent. La directrice du Tourisme de la région de Puno, Lourdes Abarca, a estimé les pertes engendrées dans le secteur par ce mouvement de grève à un million de dollars.

Vidéo TeleSur du 18 mai 2011

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