Paraguay : Les indigènes ayoreo menacés par l’extension illégale des zones d’élevage

L’extension des zones de culture et d’élevage au Paraguay, encouragée par l’augmentation des exportations de viandes bovines, met clairement en danger les indigènes sylvicoles qui évoluent dans la zone nord du Chaco.

Les anthropologues estiment que la région abrite environ 150 indigènes ayoreo isolés, répartis en six ou sept groupes, et qu’ils mènent une vie traditionnelle de chasseurs-cueilleurs. Les groupes nomades vivent sciemment dans un isolement total, refusant ainsi tout contact avec le monde extérieur. Cependant, des centaines d’indigènes de cette communauté ont quitté la zone ces dernières années et ont renoncé à leur mode de vie ancestral, après que leur habitat naturel ait été dévasté par des agriculteurs et éleveurs. Les groupes isolés ont fait savoir leur volonté de rester à l’écart du monde sans son entrer au contact d’individus n’appartenant pas à leurs communautés.

Ayoreo Totobiegosode

C’est sur ce point que l’ONG internationale Survival, qui lutte pour le respect des droits des peuples indigènes à travers le monde, a souhaité attiré l’attention révélant ainsi que l’intégrité des natifs ayoreo était menacée à mesure que son habitat naturel disparait. Les communautés indigènes ont ainsi fait une réclamation auprès du gouvernement paraguayen afin qu’il oeuvre en leur faveur en empêchant que les éleveurs poursuivent la déforestation pour implanter leurs activités. La majorité des Ayoreo ont été contraints d’abandonner leur territoire, en raison de la présence de compagnies qui s’adonnent au déboisage en parfaite illégalité.

Le peuple ayoreo représente les derniers Indiens isolés d’Amérique du Sud résidant en dehors du bassin amazonien.
Des compagnies d’élevage privées telles que Yaguarete Porá S.A. ont d’ores et déjà détruit plusieurs milliers d’hectares de forêts pour en faire des zones agricoles obligeant les natifs à quitter les lieux. Ces compagnies sont en violation évidente avec la Constitution paraguayenne et les accords internationaux.

Le directeur de Survival International, Stephen Corry, a déclaré jeudi que si « Le Paraguay reconnait les prétentions des non indigènes sur les territoires des Ayoreo (ou bien accepte de vendre ces terres), il violera à la fois la déclaration des Nations-Unies comme la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) », cette dernière stipule que les peuples indigènes et tribaux doivent être consultés sur les questions qui les affectent. Un accord qui exige également que ces peuples soient en mesure de s’engager dans une participation libre, préalable et informée dans les processus politiques et de développement qui les affectent.

« Les principes de consultation et de participation de la Convention n° 169 se réfèrent non seulement aux projets de développement spécifiques, mais également à des questions plus vastes de gouvernance et à la participation des peuples indigènes et tribaux à la vie publique » (OIT, Convention 169 sur « la Consultation et participation »).

« Les cultures et les identités des peuples indigènes et tribaux font partie intégrante de leurs vies. Leurs modes de vie, leurs coutumes et traditions, leurs institutions, leurs droits coutumiers, leurs façons d’utiliser leurs terres et leurs formes d’organisation sociale sont généralement différentes de celles de la population dominante. La convention reconnaît ces différences et s’efforce de garantir qu’elles sont protégées et prises en compte lorsque des mesures en cours d’adoption sont susceptibles d’avoir un impact sur ces peuples » (OIT, Convention 169 sur la « Reconnaissance des spécificités culturelles et autres des peuples indigènes et tribaux »).

Déforestation du grand Chaco

Le Paraguay comme d’autres pays d’Amérique du Sud a souscrit à cette Convention 169, en ne respectant pas les droits des peuples autochtones, le gouvernement nie sciemment la ratification du 10/08/1993. Par ailleurs, le 13 septembre 2007, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait la Déclaration sur les droits des peuples autochtones (DDPA). Avec l’adoption de cette déclaration, les Nations Unies ont fait un grand pas en faveur de la promotion et de la protection des droits des peuples indigènes et tribaux à travers le monde.

Article 10 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones 
« Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause – des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour. »

Stephen Corry a ajouté « Ces prétentions sont illégales et doivent être rejetées fermement si l’on veut donner aux ayoreos une chance de survivre. Dans le cas contraire, le Paraguay prend le risque d’entacher sa réputation au niveau international ».

Les chefs ayoreo du Paraguay ont fait appel aux autorités afin d’empêcher les éleveurs de bétail de raser leurs forêts après la mise à jour de preuves attestant de la présence de leurs parents isolés dans une exploitation agricole.

Les Ayoreo ont affirmé avoir découvert des indices de la présence de leurs parents isolés au sein de l’exploitation. Après une fouille minutieuse des lieux, ils ont relevé ‘des traces fraîches de pas et constaté des marques sur les arbres où ils avaient collecté du miel’.

Si la plupart des Ayoreo ont été contraints de fuir la forêt, quelques groupes isolés continuent de se protéger volontairement de toute forme de contact avec le monde extérieur.

Il y a de cela plusieurs mois, les compagnies brésiliennes BBC S.A et River Plate S.A., qui étaient en train de détruire illicitement le territoire des Indiens isolés, avaient été identifiées par satellite.

Le Paraguay est le seul pays sous la direction du CIDH à avoir été condamné à trois reprises pour violation des droits des peuples indigènes. En 2005 et en 2006, la Cour a émis un jugement en faveur des communautés indigènes Yakye Axa et Sawhoyamaxa qui reconnaissait que l’État devait restituer les terres traditionnelles à ces communautés bafouées. Toutefois, bien que les sentences de la CIDH aient un caractère inaliénable, l’application dans les faits, des jugements rendus, a été jusqu’alors infime.

L’organisation Survival International avait remis le 10/08/2011 un rapport au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) et les dangers qui mettent en péril les communautés ayoreo dans le Chaco paraguayen. En effet, les indigènes sont non seulement expulsés illégalement de leurs territoires par de grands groupes souhaitant développer des activités d’élevage ou de culture, mais aussi exposés par la même occasion à des risques bactériologiques.

Survival a demandé au CERD de faire pression au gouvernement du Paraguay afin que les autorités prennent les mesures nécessaires pour assurer l’intégrité physique des autochtones et préserver leurs terres ancestrales.

(Aline Timbert)

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