Pérou : Ollanta Humala donne son aval au projet minier Conga sous condition

L’entreprise minière Yanacocha (contrôlée actuellement par la compagnie nord-américaine Newmont Mining Corporation et la Compañia Peruana Buenaventura) a déclaré, samedi 21 avril, qu’elle s’engageait à étudier avec attention les exigences sociales et environnementales du président de la République péruvien, Ollanta Humala. Cette déclaration survient après que ce dernier a validé, la veille, les conclusions émises par les experts internationaux sur la viabilité du projet minier Conga sous réserve de certains ajustages.

Dans un communiqué rendu public, le service Communication de l’entreprise Yanacocha s’est engagé « à évaluer des alternatives techniques et économiques, de même que des mécanismes de compensation hydrologique et environnementale » tout en précisant que l’expertise internationale « avait validé l’étude d’impact environnemental réalisée en 2010 « , mais que cela n’empêchait pas d’apporter des améliorations en accord avec les exigences de l’État et de la population de Cajamarca (au nord du pays).

Le président de gauche nationaliste a, en effet, affirmé, vendredi 20 avril, que le projet d’exploitation aurifère Conga, mené par l’entreprise nord-américaine Newmont, pourra finalement avoir lieu à Cajamarca s’il répond favorablement aux recommandations du rapport réalisé par trois experts internationaux et qui stipule la préservation de deux des quatre lacs-réservoirs d’altitude devant servir de dépôts pour les déchets et autres déblais.

« Notre Gouvernement est conscient de l’importance des investissements miniers, cependant il n’acceptera aucune attitude fanfaronne, peu importe l’entreprise », a prévenu le chef de l’État lors d’une allocution radiotélévisée effectuée depuis le Palais du gouvernement de Lima. Le rapport élaboré par les Espagnols Rafael Fernández Rubio et Luis López García ainsi que par le portugais José Martins Carvalho, « contient des recommandations qui expliquent les conditions dans lesquelles le projet doit être conduit », a déclaré le président. Le projet minier qui prévoit un investissement de 4 800 millions de dollars est fortement remis en cause depuis plusieurs mois par la population de la région du nord de Cajamarca, qui craint fortement les conséquences de cette exploitation minière comme la contamination environnementale et un manque d’eau dans une région aux ressources hydrologiques fragiles.

Le gouvernement « garantit que la quantité, la disponibilité, et la qualité de l’eau sera contrôlée par des mécanismes qui assureront avec une totale sécurité le parfait d’approvisionnement des populations », a averti le chef de l’État pour rassurer les habitants de la région hostiles à l’exploitation minière. L’entreprise Yanococha doit assurer un parfait approvisionnement en eau afin de débuter ses activités de prospection en toute légitimité, ainsi elle répondra aux besoins des populations locales des 13 provinces de Cajamarca.

« L’entreprise doit répondre aux exigences environnementales et sociales qui découlent du rapport et des études afin que soient multipliées par quatre les réserves en eau ». À l’origine, ce projet prévoit l’utilisation de quatre lacs d’altitude dans le but de procéder à l’exploitation de l’or et du cuivre, des réserves qui doivent être substituées par la création de lagunes artificielles devant permettre l’approvisionnement des habitants.
Parmi les exigences du gouvernement, la création de 10 000 offres d’emploi directes et la constitution d’un Fonds social pour que l’entreprise réalise différents programmes favorables à la communauté.

Ce fonds devra permettre de garantir l’accès à l’eau aux secteurs les plus pauvres, la mise en place de systèmes d’irrigation permanente, la construction d’écoles et de dispensaires ainsi que la promotion de programmes de reforestation.

« Je suis certain que les organisations de Cajamarca sont en train d’analyser ces nouvelles propositions. Ce message nous oblige à dialoguer de nouveau », a déclaré le chef de l’État. Pour rappel, le projet Conga avait été suspendu en novembre 2011 à la demande même du gouvernement suite aux fortes manifestations qui s’étaient tenues à Cajamarca et à la grève générale qui avait paralysé la région. Les importantes protestations du gouvernement régional et des organisations sociales réunies dans un Front de défense avaient débouché sur une « Marche nationale pour l’eau » réalisée depuis Cajamarca jusqu’à la capitale. Les manifestants étaient arrivés le 10 février après avoir protesté sous le slogan suivant « De l’eau oui, de l’or non », une marche réalisée sur plus de 800 km.

Les présidents du Front de défense environnementale, Wilfredo Saavedra, et celui du Front de défense des intérêts des Cajamarca, Idelso Hernández, ont d’ores et déjà refusé la décision présidentielle et annoncent des actions de résistance. Saavedra accuse le gouvernement d’imposer le projet bien que la population refuse en bloc les activités minières qui menacent les ressources hydriques, rejetant de fait, les projets de substitution. Saavedra a annoncé des alliances avec d’autres organisations pour réaliser en mai prochain une manifestation d’envergure nationale. Hernández a de son côté affirmé que les habitants ne céderaient pas et a annoncé un plan d’action en réponse aux décisions du gouvernement accusé d’agir sous la pression d’intérêts internationaux. Le président régional de Cajamarca, Gregorio Santos, a tout d’abord déclaré que le message présidentiel marquait un tournant pour exiger de Conga des concessions tout en précisant que des conditions au dialogue étaient créées avant de revenir sur sa parole, et d’annoncer que le projet n’était pas viable, qu’il manquait de crédibilité et menaçait l’équilibre de la région.

Depuis que le président Ollanta Humala a assumé les plus hautes fonctions de la république en juillet 2011, les conflits sociaux n’ont cessé d’émailler son mandat. En juillet dernier, la Defensoría del Pueblo a répertorié pas moins de 214 conflits. Le chef de l’État a annoncé qu’avec la viabilité du projet Conga, l’activité minière devrait être abordée de façon différente. Aujourd’hui ce sont pas moins de 139 conflits socio-environnementaux qui sont en cours avec des revendications similaires populations de Cajamarca. La loi de consultation préalable devrait aider à la résolution de ces conflits qui parsèment les régions de Ancash, Cajamarca ou encore Cusco, seul le département de Puno, et plus précisément la province de Melgar, espère que l’entreprise minière Minsur, le plus gros producteur d’étain du pays, accepte la signature d’un accord de coopération avec les populations locales.

Le président de la République a rappelé que la région de Cajamarca, où l’on retrouve les plus grands gisements d’or du pays, est aussi la troisième région du Pérou à présenter le taux de dénutrition infantile chronique le plus important. Une situation qui en dit long sur la répartition des richesses et sur l’échec du Canon minier. Pour rappel, le « Canon Minero », est la participation financière dont jouissent les gouvernements locaux (municipalités, provinces, districts) et les gouvernements régionaux sur le total des recettes et rentes obtenues par l’État pour l’exploitation des ressources minières sur le territoire péruvien.

Les communautés se sentent exclues, à juste titre, des retombées économiques liées à ces chantiers d’envergure sur leurs territoires et craignent pour la poursuite de leurs activités agricoles et d’élevage si une pollution venait à se répandre sur leurs terres.

Humala se montre confiant et  espère que les différents secteurs de la société seront prêts à s’engager « pour créer la richesse de Cajamarca et faire la fierté de sa population ».

(Aline Timbert)

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