Pérou : L’idole de Pachacamac, déité précolombienne, fait son retour au musée du même nom

Cela faisait six ans que l’idole du Dieu Pachacamac n’était plus retournée au musée du complexe archéologique du même nom situé au sud de la capitale péruvienne, Lima, le site le plus important de la côte centrale, depuis le déclin de l’emblématique civilisation inca au XVIe siècle.

L’idole en bois d’une hauteur d’environ 2,34 m représentant le Dieu des tremblements de terre, Pachacamac, a finalement fait son retour, fin mai, au musée du site de Pachacamac après avoir été exposée depuis 2005 au musée de la Nation et au Palais du gouvernement du Pérou. Situé à 31 km environ au sud-est du centre-ville, ce vaste site archéologique qui rassemble des palais et des temples pyramidaux est le plus proche de Lima. Lorsque les conquérants espagnols sont arrivés, Pachacamac, lieu inca de première importance était alors une ville majeure. Cependant, avant même l’expansion de l’empire inca, il constituait déjà un grand centre de cérémonie sur la côte centrale. Fondée vers 200, la cité a culminé avec la culture huari (600-1100), il s’agissait, selon toute vraisemblance, d’un lieu de pèlerinage.

idole de Pachacamac

Les premiers chanceux qui ont pu contempler l’idole de retour sur sa terre d’origine, il y a quelques jours, furent le ministre de la Culture, Luis Peirano, et la directrice du musée, Denise Pozzi-Escot, qui a expliqué que les pèlerins qui la visitaient à l’époque de son apogée n’étaient pas autorisés à la contempler sous peine de se plier à un sévère jeune et de devoir s’en remettre à un « sacerdote » ou prêtre inca.

C’est au son des tambours et des « pututos » (sorte de conque musicale) qu’une procession s’est dirigée les 31 mai vers les ruines de Pachacamac pour recevoir l’idole qui surgit d’un côté de la rivière Lurín entre l’an 700 et 1100 sous l’empire huari et dont le culte s’est étendu jusqu’aux Andes avec l’arrivée des incas qui ont créé en ces lieux un grand site religieux et administratif.

Puis c’est une offrande (pago a la tierra) à la Pachamama, la terre nourricière, qui a été effectuée face à une réplique de l’idole comme le faisaient les anciens visiteurs du site, des feuilles de coca et de la laine de lama ont été déposée tandis que des chants en langue quechua (langue des natifs) ponctuaient la cérémonie dans le but de mettre en avant la cohabitation entre l’homme et la nature et de souligner la dualité de l’univers.

Une dualité qui apparaît clairement sur l’idole même puisque dans la partie supérieure de sa forme cylindrique on découvre « un personnage bifrontal avec une partie masculine et une autre féminine unies par le dos et qui regardent dans des directions différentes », comme l’a souligné Pozzi-Escot. « Dans la partie inférieure sur laquelle repose ce personnage double, apparaissent des attributs reflétant la masculinité et la féminité, d’une part le maïs symbole de fertilité et d’autre part des poissons, parmi d’autres symboles dualistes ». La directrice du musée a précisé que Pachacamac était un centre de pèlerinage pour tout le territoire de l’ancien Pérou, à ce titre « des pèlerins en provenance des Andes centrales arrivaient sur le site avec, en guise d’offrandes, des coquillages spondylus provenant des eaux chaudes de l’Équateur, parmi les requêtes adressées à la divinité, la santé pour vaincre différentes maladies »« Ce qui est bien, c’est qu’aujourd’hui encore des gens viennent faire des offrandes pour demander leur guérison », a affirmé l’experte ajoutant qu’à l’époque les gens pensaient que le moindre mouvement de tête de l’idole était annonciateur d’un tremblement de terre immédiat.

offrande à Pachacamac

L’idole a été découverte en 1938 par le chercheur nord-américain Albert Giesecke alors qu’il effectuait des fouilles au sein du temple de Pachacamac, ce n’est qu’en 1965 que l’idole a été exposée au complexe archéologique. Le ministre Peirano a insisté sur l’importance du site de Pachacamac comme « noyau central d’irradiation d’expériences, d’émotions et de pensées de haute importance pour la formation des 1000 premières années de l’histoire du Pérou ». Le haut fonctionnaire a assuré que l’objectif de son ministère était de lier les recherches effectuées sur ce complexe archéologique avec le fameux chemin de l’inca, Qhapaq Ñan, car à quelques mètres du temple de Pachacamac se trouve le célèbre sentier qui s’étend depuis la sierra jusqu’à la route côtière. Pachacamac repose de nouveau sur le sable près de l’océan Pacifique, attendant patiemment le défilé des pèlerins qui, aujourd’hui, ont revêtu l’aspect de touristes qui parcourent les chemins de son sanctuaire pour suivre les traces de ceux, qui dans le passé, le vénéraient autant qu’il ne craignaient.
La zone archéologique monumentale de Pachacamac s’étend sur une surface de 465 32 ha et témoigne du passage de différentes civilisations qui se sont succédé entre l’an 200 après Jésus-Christ jusqu’en 1533, date qui marque l’arrivée des conquérants espagnols sur le territoire.

ministre de la culture devant l’idole

Sous l’Empire inca, deux nouveaux temples ont été construits, le fameux Temple du soleil et l’Acllahuasi (la Maison des femmes choisies), l’enceinte des « Mamaconas » qui veillaient à l’éducation des vierges du Soleil (dieu Inti). Et il ne reste aujourd’hui des bâtiments que des murs écroulés, répartis dans un paysage désertique. Les principaux temples pyramidaux ont néanmoins été fouillés et dévoilent des pentes recouvertes d’escalier. Les visiteurs peuvent monter les marches qui conduisent au sommet de l’impressionnant temple du soleil d’où ils peuvent voir, quand le ciel est dégagé, la côte. Totalement restauré, le palais de l’Acllahuasi, ou maison de la Femme élue est entouré d’un jardin alors que les poutres du toit servent de refuge à d’innombrables hirondelles.

Le musée du site Pachacamac (nom que l’on peut traduire par « celui qui anima le monde » ou bien « celui qui créa la terre et le temps ») a été fondé le 21 novembre 1965 par le docteur Arturo Jiménez Borja, comme réponse à l’accumulation d’objets découverts lors de fouilles réalisées au sanctuaire. Le musée a permis d’offrir un espace pour la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine archéologique d’une grande rareté. Le musée poursuit ses objectifs afin de rapprocher la communauté de son patrimoine culturel au moyen d’expositions et de la présentation du site archéologique dans son contexte historique. Le musée de Pachacamac présente ainsi les principales manifestations artistiques des différents occupants de Pachacamac, particulièrement dans le domaine des céramiques et des textiles.

Au moyen de différents programmes de recherche, d’éducation et de diffusion, le musée diffuse les connaissances et les hypothèses liées à l’un des centres cérémoniels les plus importants de l’archéologie péruvienne. Le site de Pachacamac se trouve actuellement à l’étude pour l’obtention du statut de Patrimoine mondial de l’Humanité auprès de l’Unesco.

Récemment, des archéologues belges du Centre de recherches archéologiques (CreA) de l’Université Libre de Bruxelles ont mis à jour au complexe de Pachacamac un tombeau datant d’environ mille ans comprenant 80 squelettes et momies préincas disposés en position foetale, dont une douzaine de squelettes appartenant à des nouveau-nés et de jeunes enfants. Des jeunes personnes qui auraient pu être, selon les spécialistes, victimes de sacrifices humains. Les squelettes retrouvés présentent des stigmates d’importantes blessures, traumatismes physiques et maladies graves qui indiqueraient qu’il s’agissait d’individus diminués qui se sont rendus à Pachacamac en pèlerinage afin de solliciter leur guérison auprès de la divinité. Cette découverte présente un intérêt scientifique considérable en qualité de témoignage de la période préhispanique (culture huari), des objets (céramiques, objets en or et en cuivre) et des dépouilles qui ont échappé aux pillages et saccages survenus durant la Conquête et la Colonisation.

(Aline Timbert)

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