Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples indigènes, l’Américain James Anaya, a expressément demandé à la mi-mai au gouvernement du Nicaragua d’adopter des mesures efficaces pour protéger les peuples natifs qui évoluent dans la Réserve biosphère Bosawas en assurant leurs droits territoriaux.
« Le manque d’avancée dans la prise de mesures significatives visant à assurer les droits territoriaux des communautés indigènes au sein de la réserve pourrait être une source d’intensification des tensions sociales existantes dans la réserve de la part de personnes qui ne sont pas d’origine indigène », a affirmé dans un communiqué James Anaya. Récemment, des tensions ont généré des actes de violence qui ont causé la mort d’un jeune indigène mayangna et l’enlèvement de deux personnes non indigènes ainsi que le blocage de routes sur la côte atlantique du Nicaragua.
« J’exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour résoudre cette situation de façon pacifique, dans une ambiance de plein respect des droits humains des peuples indigènes et des non indigènes impliqués », a tenu à préciser l’expert de l’ONU.
La réserve Bosawas située sur la côte atlantique nicaraguayenne est peuplée par des communautés indigènes mayangna et miskito, qui ont obtenu la reconnaissance légale de leurs terres traditionnelles au sein de la réserve depuis 2007. Malgré ce statut, ils sont confrontés à l’installation illégale de personnes d’origine non indigène. Ces individus se rendent coupables de déforestation, des milliers d’hectares ont d’ores et déjà été sacrifiés, un habitat naturel qui est nécessaire à l’équilibre même des communautés indigènes de la réserve.
« La déforestation met en péril l’environnement des peuples indigènes de la réserve Bosawas », a prévenu James Anaya. Le rapporteur spécial a souligné que si les autorités continuaient de minimiser la situation et que des mesures n’étaient pas adoptées rapidement par le gouvernement du Nicaragua, il continuerait d’alerter les instances officielles sur le drame vécu par les peuples autochtones.
Le gouvernement s’engage à protéger cet écrin naturel
De son côté, le président de la nation indigène mayangna, Aricio Genaro est revenu sur la lutte des peuples autochtones au sein de la réserve qui constitue la plus grande forêt d’Amérique centrale, en effet la déforestation s’est intensifiée depuis 2010 et la présence illégale de colons ne fait qu’inquiéter les indigènes. Il affirme que des actes de violence sont à déplorer en raison de ce conflit entre autochtones et non indigènes, des centaines de personnes se seraient installées illégalement sur le territoire des natifs. La dernière victime de cet affrontement a été l’indigène Elías Charly Taylor, qui est mort par balle dans la communauté de Sulún après avoir manifesté contre la destruction de son habitat naturel. Cette protestation débutée en février visait à attirer l’attention du gouvernement de Daniel Ortega en pointant du doigt la destruction du patrimoine forestier instaurée depuis 1997 alors que la réserve a été déclarée patrimoine de l’humanité et réserve de la biosphère par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science, et la culture (Unesco), une superficie de 2 millions d’hectares de forêt tropicale humide.
La population mayangna vit de la chasse et de la pêche, l’élevage est uniquement destiné à l’autosubsistance, la récolte de fruits et légumes et autres tubercules produits selon d’anciennes méthodes d’ensemencement. Ce mode de vie ancestral est menacé par l’intrusion d’agriculteurs et éleveurs « ils tirent sur tout ce qui bouge, brûlent et contaminent l’eau des fleuves, ils abattent les arbres géants qui fournissaient ombre et protection, et puis ils avancent et plus rien ne les arrêtent », a déclaré Aricio Genaro.
« Dans 12 ou 10 ans, il n’y aura plus rien si aucune mesure n’est prise, » avait déclaré début mai le président de la Fondation du Nicaragua pour le développement durable (FUNDENIC) et conseillé à l’environnement du gouvernement, Jaime Incer.
En avril dernier, le chef de l’armée du Nicaragua, le général Julio Cesar Aviles, affirmait que la réserve était envahie « par plus de deux mille colons » qui parviennent sur le site à bord de cars et utilisent des tronçonneuses pour détruire la forêt ». Ce sont environ 40 000 indigènes qui peuplent la région.
Selon une source non gouvernementale émanant d’une organisation de protection de la nature, ce sont près de 100 000 hectares qui ont été détruits au sein de la réserve de la biosphère de Bosawas.
Confronté à la pression des peuples indigènes et des organismes de défense internationale des droits autochtones, le gouvernement du président Ortega a mis en place une série de mesures visant à lutter contre la déprédation de la forêt. Dans cette optique, il a légitimé l’usage de la force avec l’envoi de 700 militaires du Bataillon écologique de l’armée du Nicaragua, mais aussi des policiers, dans le but de contrôler et enrayer la violence entre colons et indigènes. Par ailleurs une commission d’autorités internationales a été mise en place pour coordonner différentes actions et appliquer une politique « ferme » contre les personnes et organisations soupçonnées d’atteindre à l’environnement. Les autorités ont émis le décret 15- 2013 qui stipule la stricte « défense de la mère terre sur les territoires indigènes et descendants africains des Caraïbes« . Pour cette raison, le gouvernement nicaraguayen a interdit la poursuite de l’agriculture, de l’élevage et de la chasse, a déclaré la ministre à l’environnement, Juana Argeñal.
La Biosphère de Bosawas, est localisée au centre-nord du Nicaragua, cet espace naturel de 19 926 kilomètres carrés (ce qui représente 15,25 % de la superficie totale du pays), est l’une des pièces maîtresses du « Cœur du Couloir Biologique Méso-américain », cette région est reconnue pour sa biodiversité considérable (environ 10 % de la biodiversité mondiale) et abritent également de nombreuses espèces rares ou encore menacées d’extinction parmi lesquelles le fourmilier géant, le tapir de Baird, le singe-araignée d’Amérique centrale, le jaguar, l’aigle harpie et le crocodile américain. Ces lieux d’une grande richesse environnementale sont également peuplés par les communautés autochtones mayangna ou sumu qui résident sur cette terre depuis des siècles, ils ont su s’adapter à leur environnement et défendre leurs pratiques culturelles ancestrales à travers une connaissance profonde de la flore et de la faune qui les entourent. Des territoires aujourd’hui en danger en raison de l’expansion incontrôlée de l’agriculture, de la contamination des cours d’eau et de la déforestation illégale, des activités qui mettent en péril tout un écosystème et par-delà la survie des natifs.
Il faut savoir que la réserve Bosawas fait partie depuis 1997 du programme l’Homme et la Biosphère (MAB) de l’UNESCO, Réseau Mondial de Réserves Biosphères qui comprend 525 lieux d’exception à travers le monde. Le Programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) est un programme scientifique intergouvernemental qui a pour objectif de créer une base scientifique visant à développer les relations homme-nature au niveau mondial.
(Aline Timbert)
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