Venezuela : L’opposition se fait entendre, le gouvernement réprime

Tandis que la vague de protestation se poursuit au Venezuela, les critiques à l’encontre du gouvernement en place de Nicolas Maduro se multiplient. En effet, de nombreux organismes internationaux de renom luttant pour les droits de l’homme dénoncent la répression et la censure qui caractérisent le pouvoir actuel dans ce pays d’Amérique du Sud tenu d’une main de fer.

Ils regrettent l’arrestation cette semaine de 11 journalistes, sans oublier les violents heurts survenus, mercredi dernier, à la fin d’une manifestation étudiante, des soulèvements qui ont fait trois morts et une vingtaine de blessés et qui ont également conduit à des centaines d’arrestations. La déléguée pour la liberté d’expression rattachée à la Commission Interaméricaine des droits humains (CIDH), Catalina Botero, a qualifié de « grave » la situation vécue par les habitants du Venezuela pointant du doigt les pressions exercées par le gouvernement contre la presse.

« La situation de la liberté d’expression au Venezuela et grave. C’est grave, car le cadre juridique véhicule une extrême ambiguïté et le gouvernement possède de puissantes facultés pour sanctionner les médias », a déclaré l’avocate ajoutant « les normes sont très ambiguës et ceux qui les appliquent sont les propres représentants de l’exécutif, de sorte qu’il n’y a aucune garantie pour l’exercice libre de la liberté d’expression. Peu de médias y parviennent. L’un d’eux, qui couvraient la vague de protestation, la chaîne colombienne NTN24, a été interdite d’antenne sur le câble ».

Les manifestations ont fait trois morts et plusieurs blessés

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Répression des manifestants

Pour sa part, le directeur pour l’Amérique de l’organisation internationale Human Rights Watch (HRW), José Miguel Vivanco, a lui aussi qualifié la situation extrêmement préoccupante soulignant que le « pays ne bénéficiait pas d’institutions démocratiques capables de freiner les abus », une déclaration effectuée lors d’une interview accordée au journal chilien El Mercurio ». Il a ajouté que la conjoncture vénézuélienne était très délicate, car les « autorités policières ont agi avec brutalité durant les manifestations survenues cette semaine ». Le directeur a déclaré « au Venezuela et il n’existe pas d’institutions démocratiques capables de freiner les abus, de les prévenir, et de les punir ».

Ce dernier avait été expulsé du pays sous le mandat d’Hugo Chavez qui l’avait accusé d’avoir « offensé » la souveraineté nationale après avoir émis un rapport critique sur les 10 années de pouvoir du régime du chef de l’État aujourd’hui décédé. Le son de cloche est bien différent du côté des autorités vénézuéliennes qui se défendent en affirmant que sur les 99 personnes arrêtées lors des manifestations de mercredi, 73 d’entre elles ont d’ores et déjà été libérées tandis que 13 autres sont incarcérés et que les autres doivent comparaître dans les prochains jours. Selon l’opposition les chiffres sont tout autre, 112 personnes auraient été libérées tandis que 47 jeunes, la plupart étudiants universitaires, seraient toujours en en prison dans différentes régions du pays.

Leopoldo López
Leopoldo López

Le dirigeant de l’opposition, Leopoldo López, du parti Voluntad Popular (VP) a annoncé via une vidéo diffusée sur le réseau social Twitter, qu’il se rendrait demain (mardi 18 février) au gouvernement vénézuélien qui l’accuse de la vague de violence qui a secoué Caracas. Celui-ci est recherché par les autorités vénézuéliennes, un mandat d’arrêt a même été lancé, il est accusé d’actes « terroristes » en raison de sa prétendue culpabilité dans les soulèvements de ces derniers jours. Le leader avait appelé les citoyens à manifester pour réclamer la démission du président Maduro, successeur controversé d’Hugo Chavez, élu à la tête du pays avec très peu d’avance et accusé de fraude électorale.

Par ailleurs, l’ex-candidat à la présidentielle et principale leader de l’opposition, Henrique Capriles, a lancé un appel aux citoyens afin qu’ils entreprennent une marche pacifique pour dénoncer les groupes paramilitaires du gouvernement et la répression « c’est dans ce sens que doit être orientée la protestation. Il est nécessaire de désarmer au plus vite les groupes armés anarchiques. Nous marcherons contre la violence, les restrictions, les problèmes d’approvisionnement, nous marcherons en faveur de ceux qui souffrent, car ils ne peuvent pas acheter d’aliments ni de médicaments. Laissons seuls les violents ». Jusqu’alors Henrique Capriles avait toujours refusé la « stratégie de la rue » lancée par les autres leaders de l’opposition craignant que la situation ne dégénère et que le régime se victimise.

John Kerry fait part de son inquiétude et appelle au calme

John Kerry
John Kerry

Le secrétaire d’État américain, John Kerry, a appelé au dialogue de part et d’autre en demandant « de travailler pour restaurer le calme et éviter la violence ». Ce dernier a fait part de « sa grande préoccupation en raison des tensions et de la violence qui entourent les protestations au Venezuela ». Le chef de la diplomatie américaine a souligné que Washington était particulièrement « inquiet au vu des rapports signalant que le gouvernement vénézuélien a arrêté plusieurs manifestants de l’opposition et a émis un mandat d’arrêt contre le leader Leopoldo López« . John Kerry a envoyé ses condoléances aux familles des victimes précisant que l’ONU, la OEA et l’Union européenne ont condamné aussi « cette violence insensée ».

Trois agents consulaires américains ont été expulsés du Venezuela, Maduro les accuse d’avoir fomenté les manifestations étudiantes pour déstabiliser son gouvernement« J’ai donné l’ordre au ministre des Affaires étrangères de déclarer persona non grata et de procéder à l’expulsion de trois agents consulaires américains de l’ambassade des États-Unis d’Amérique. Qu’ils aillent conspirer à Washington! », a affirmé à la télévision le chef de l’État.

Nicolas Maduro
Nicolas Maduro

Mercredi 12 février, des milliers d’étudiants sont sortis dans la rue, accompagnés de divers leaders politiques de l’opposition (de droite), pour manifester contre l’insécurité, l’inflation, les problèmes d’approvisionnement et les arrestations abusives. Il s’agissait du plus grand rassemblement hostile au gouvernement depuis l’arrivée au pouvoir de Maduro, il y a 11 mois. Après la marche, des incidents ont éclaté entre étudiants, force anti-mutinerie, et différents groupes de l’officialisme, des heurts qui ont fait trois morts par balle (les circonstances sont encore floues).

La situation reste extrêmement tendue, et le ministère des affaires étrangères français, tout comme l’ambassade de France au Venezuela, appelle à la plus grande prudence pour ses ressortissants et touristes se trouvant actuellement sur place, « des manifestations ont eu lieu depuis le 12 février dans différentes villes du pays et dans la capitale, Caracas, dont certaines ont pris un tour violent. Il est donc recommandé de se tenir en permanence informé de la situation et de rester à l’écart des rassemblements », tel est communiqué publié par les autorités françaises, toujours valide le 17 février.

Samedi, parallèlement à des manifestations antigouvernementales, il y a eu des rassemblements pro Maduro dans la ville de Caracas, la société vénézuélienne est donc plus que jamais divisée.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a averti samedi que, s’ il y a un coup d’État, le ‘chavisme’ approfondirait la dénommée révolution bolivarienne « bien au-delà des limites ».

(Aline Timbert)

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