Il souffle comme un vent de révolte parmi les natifs vénézuéliens qui souhaitent attirer l’attention sur les risques qui menacent chaque jour un peu plus leur mode de vie. En effet, les communautés indigènes de ce pays sud-américain s’inquiètent de l’intromission régulière de trafiquants sur leurs territoires ancestraux parmi lesquels des mineurs illégaux dont les actions ont un impact négatif sur l’environnement.
Ainsi, au premier jour du mois de juin, des représentants de la communauté indigène Kanaimó ont souhaité frapper les esprits en bloquant l’aéroport qui dessert le parc Naturel de Canaima, inscrit au patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO en 1992, un moyen d’interpeller les autorités sur l’exploitation illégale des métaux précieux, en particulier l’or, par des trafiquants prêts à tout pour s’enrichir au détriment du respect de l’environnement et des droits des natifs à jouir librement de leurs terres. Le porte-parole de la communauté, Domingo Castro, a ainsi révélé ses motivations lors d’une allocution à la radio où il a déclaré « nous sommes en train de protester principalement contre les activités minières illégales, une pratique qui a lieu sur notre fleuve río Carrao, près de Salto Ángel, qui constitue l’une des plus belles beautés au monde ».
La minería ilegal arrasó Canaima: “Le queda poca vida a la laguna" – http://t.co/vbxCQx0zNe pic.twitter.com/Yop8u1DPlJ
— Sumarium (@sumariuminfo) June 1, 2015
Le 1er juin, l’aérodrome a été paralysé en guise de protestation, une piste qui dessert le parc Canaima, le sixième parc naturel le plus grand au monde, un membre de l’ethnie s’est assis au beau milieu de la piste pour empêcher tout décollage ou atterrissage. Les natifs mécontents ont manifesté leur souhait de s’entretenir avec le chef de l’État, Nicolas Maduro, pour évoquer concrètement leurs problèmes.
Le leader indigène a indiqué que cette action se justifiait par le manque d’actions concrètes visant à les protéger, évoquant l’incapacité des organisations gouvernementales à trouver des solutions leur permettant de vivre paisiblement « si rien n’est fait, ou si les autorités poursuivent leur politique de l’autruche, nous prendrons des mesures, j’ignore encore lesquelles pour le moment, mais oui il y aura des actions. Nous ne souhaitons pas prendre des mesures extrêmes si cela n’est pas nécessaire, sincèrement ».
https://twitter.com/IzarraDeVerdad/status/605389692771676160
L‘ancien ministre au Tourisme, Andrés Izarra, avait dénoncé il y a quelques mois la déprédation de la zone par des groupes de mineurs illégaux qui menacent l’équilibre écologique en développant leurs activités dans les cours d’eau, menaçant tout l’écosystème local ( fleuves Carrao et Caroní). Les risques de contamination sont particulièrement importants concernant le fleuve Río Carrao, ce cours d’eau est l’un des principaux affluents de fleuve Caroní qui produit environ 70 % de l’électricité de ce pays.
Ces pratiques provoquent de sévères dommages sur l’environnement et de fait menacent le mode de vie des natifs qui dépendent de leur habitat naturel, l’utilisation de mercure est à l’origine de graves pollutions.
Actividad turística está 100% paralizada en #Canaima por protesta contra minería ilegal http://t.co/EUbaP5wOrZ pic.twitter.com/fGZYkTUoEX
— Contrapunto (@contrapuntovzla) June 3, 2015
Canaima est un parc naturel qui s’étend sur environ 30 000 km², il est situé dans l’État de Bolívar, à la frontière entre le Brésil et la Guyane, il abrite les chutes les plus hautes au monde; Salto Angel. Environ 65 % du parc sont occupés par des montagnes tabulaires tepuis. Elles constituent un milieu biologique unique et présentent un très grand intérêt géologique.
« Nous écoutons l’ensemble de la communauté, nous écoutons l’ensemble de leurs doléances, de leurs problèmes sur différentes zones », a signalé de son côté la ministre des peuples indigènes du Venezuela, Aloha Nuñez, qui a fait le déplacement en début de mois à l’aéroport en compagnie de la ministre du Tourisme.
Comme le souligne l’organisation Survival International (le mouvement mondial pour les droits des peuples indigènes), l’exploitation clandestine de métaux précieux et minéraux, parfois encadrée par des groupes armés et dangereux a augmenté sur tout le territoire amazonien au Venezuela, et ce sont plusieurs communautés natives qui sont impactées par ce trafic, les Yanomami, les Hoti, les Eñepa, les Yekuana et les Arekuna.
Un porte-parole arekuna a expliqué la terrible situation à Survival International, : « L’exploitation minière sur nos terres ancestrales est un grave problème. Les mineurs extraient nos ressources les plus précieuses et la terre nous appelle à l’aide. Nos rivières se tarissent. Nous devons prendre soin de la nature. Si nous ne le faisons pas, c’est toute la planète qui en souffrira ». La présence de groupes armés (comme les FARC) dans certaines communautés indigènes a engendré deux fléaux, prostitution et alcoolisme.
#Venezuelan tribes protest against violent mining gangs #FARC #gold #diamonds http://t.co/C44FMzDpl2
— Survival International (@Survival) June 18, 2015
À ce jour, la Constitution vénézuélienne reconnaît les droits territoriaux des peuples indigènes, mais peu d’entre eux ont reçu des titres de propriété officiels sur leurs territoires ancestraux. Par ailleurs, fait inquiétant pour ces communautés vulnérables, le gouvernement a annoncé qu’il permettrait l’exploitation minière légale sur de grandes surfaces de la forêt amazonienne, y compris des terres appartenant aux natifs.
Pour rappel, la Convention 169 promeut un ensemble de droits fondamentaux attachés à la survie des peuples indigènes et Les États l’ayant ratifiée (c’est le cas du Venezuela qui a ratifié la Convention en 2002) s’engagent à garantir de manière effective leur intégrité physique et spirituelle et à lutter contre toute discrimination à leur égard.
Le texte de la Convention No. 169 de l’OIT figure dans son intégralité sur le site Internet de l’Organisation : www.ilo.org. Ces dispositions les plus importantes sont notamment :
Article 4: demande aux États l’ayant ratifiée d’adopter des mesures spéciales, en tant que besoin, en vue de sauvegarder les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l’environnement des peuples indigènes et tribaux
Article 5: dispose qu’en appliquant la Convention les États devront reconnaître et protéger les valeurs et les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et respecter l’intégrité des valeurs, des pratiques et des institutions desdits peuples.
Article 6: dispose, entre autres, que les États ayant ratifié la Convention devront consulter les peuples indigènes et tribaux, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l’on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. Les États devront également mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples.
Article 7: dispose notamment que les peuples indigènes et tribaux doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, et d’exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre, et que les gouvernements doivent prendre des mesures, en coopération avec les peuples intéressés, pour protéger et préserver l’environnement dans les territoires qu’ils habitent.