Colombie : Des centaines de corps non identifiés découverts à Macarena

Dans le petit village de Macarena, dans la région de la Meta, en Colombie, à 450 kilomètres au sud de la capitale Bogotá, l’une des zones les plus touchées par le conflit armé, on aurait découvert la plus grande fosse commune de l’histoire contemporaine en Amérique Latine, avec un nombre de cadavres non identifiés qui, selon différentes sources et témoignages de villageois, s’élèverait à 2000 individus,

Si les faits sont avérés, il s’agirait de la plus grande fosse commune de victimes d’un conflit armé dévoilée sur le continent. Le juriste Jairo Ramírez, qui est secrétaire du Comité Permanent pour le Défense des Droits de l’Homme en Colombie, avait accompagné une délégation de parlementaires anglais au lieu-dit dès le mois de janvier, afin de faire constater l’ampleur de la macabre découverte « Ce que nous avons vu est terrifiant, une multitude de corps, et à la surface des centaines de plaques blanches avec l’inscription NN et des dates comprenant la période 2005 à nos jours ».

Ramirez a ajouté : « Le commandant de l’Armée nous a signalé qu’il s’agissait des dépouilles de guérilleros morts au combat, mais les habitants de la région évoquent les cas de leaders sociaux, des paysans, et de défenseurs communautaires qui ont disparus sans laisser de trace ».

La découverte de la fosse de Macarena a remis au cœur de l’actualité l’existence de plus de 1000 fosses communes sur le territoire colombien. La localisation de ces cimetières clandestins a été rendue possible grâce aux révélations des paramilitaires démobilisés qui ont bénéficié de la loi tellement controversée de « Justice et de Paix » qui garantit une peine minimum en échange de la confession des crimes commis.

Parmi ces déclarations, il y a celle de John Jairo Rentería, alias Betún, qui a révélé devant le procureur et les familles de victimes que lui et, ses comparses, avaient enterré au moins 800 corps dans la ville de Sandra (à Villa Sandra, au Port Asís dans la région de Putumayo), « Il fallait les démembrer. Tous les participants  aux ‘Autodefensas’ (organisation paramilitaire d’extrême droite) étaient formés à cela en premier et parfois nous agissions lorsque les personnes étaient encore en vie » a confessé le chef paramilitaire.

Vendredi dernier, 23 juillet, c’est une délégation internationale, avec à sa tête 6 eurodéputés, qui a fait le déplacement à Macarena et qui a déploré que « l’armée assassine son peuple ». L’eurodéputée à la Commission des Droits de l’Homme, Ana Gómez, a déclaré que cette fosse commune était à ses yeux « une aberration qu’elle ne pouvait pas comprendre », puisque « l’armée est censée protéger son peuple et non pas atteindre à son intégrité ».

Les députés colombiens de l’opposition Piedad Córdoba et Iván Cepeda qui se trouvaient, eux aussi, au sein de la délégation, ont exigé que les plaintes des habitants de la région au sujet de la fosse commune de Macarena « soient sérieusement étudiées ».  De son côté, le gouvernement d’A.Uribe a seulement reconnu l’existence de 450 corps non identifiés.

Depuis 2005 l’armée colombienne, dont les forces d’élite, se sont déployées aux alentours de la zone pour combattre la guérilla et ils auraient enseveli en amont d’un camp militaire et du cimetière attenant, des centaines de cadavres avec pour consigne de les enterrer de façon anonyme, selon des représentants de l’opposition et certains habitants.

« Les militaires ne sont pas là pour tuer le peuple, il existe une perversion horrible dans le fait que des jeunes innocents, des hommes, des femmes, soient pris pour des membres des forces armées révolutionnaires puis convertis en faux positifs » a déclaré Ana Gómez faisant référence aux civils qui sont exécutés sans procès et présentés officiellement comme des guérilleros morts au combat.

La sénatrice Córdoba (en photo ci-dessous) a assuré que, dans un mois, elle sera prête à présenter un rapport officiel, comme résultat de ces audiences, après que les habitants aient enfin décidé de rompre la loi du silence.

Pour sa part, le représentant du Centro de Investigación y Educación Popular (Centre de recherche et d’Education Populaire) et du Programa por la Paz de Colombia (Programme pour la Paix en Colombie), Javier Giraldo, a affirmé qu’il avait récolté 52 témoignages de la part des familles de victimes.

« Il s’agit de témoignages révélant des disparitions forcées commises par des paramilitaires de droite et d’autres par l’armée régulière » a-t-il affirmé, précisant que, les victimes avaient également évoqué les cas de « faux positifs ».

800 paysans de la région et de Caquetá ont assisté à l’audience publique durant laquelle ils ont reconnu que « des hélicoptères militaires arrivaient sur la zone et déposaient ainsi des corps sans vie avant de se retirer, mais ils ont aussi évoqué  » le fait que la crise humanitaire s’est accentuée dans les ‘llanos’ sous l’impulsion du Plan Colombie, défendu par les États-Unis pour lutter contre le trafic de drogue et le crime organisé ».

Les autorités colombiennes rejettent en bloc les accusations de Córdoba et Cepeda sur les dérives de l’armée, le président Alvaro Uribe s’est même rendu dimanche à Macarena pour faire ses adieux officiels à ses troupes armées. Il a remercié à cette occasion les militaires et policiers pour avoir appliqué sa politique de « sécurité démocratique » et a déclaré que la « victoire finale contre les groupes illégaux » était proche. Il a accusé l’opposition de vouloir discréditer la force politique en place.

Uribe quittera le pouvoir le 7 août prochain et laissera sa place à la tête du pays à son ex-ministre de la Défense Juan Manuel Santos. Le président sortant bénéficiait encore d’une cote de popularité atteignant les 70 % mais il n’était pas autorisé à se représenter une troisième fois selon la Constitution en vigueur.

A ce jour, l’existence de ces cadavres non identifiés n’est pas remise en question, mais le nombre de victimes, les circonstances de leur inhumation et les auteurs de ces disparitions sont plus que jamais au coeur du débat. Pour les autorités colombiennes, on ne peut guère parler de fosse commune mais bien d’un cimetière de fortune pour des individus non identifiés enterrés individuellement et dont on ignore la cause du décès.

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