La Colombie pleure depuis hier (17 avril) la disparition d’une icône nationale avec la mort de l’écrivain Gabriel García Márquez des suites d’une pneumonie, à l’âge de 87 ans, à son domicile de Mexico DF où il résidait depuis de nombreuses années. Ce monstre de la littérature colombienne a défendu avec sa plume une prose d’une richesse absolue profondément marquée par le réalisme magique latino-américain (« Real Maravilloso »). Une écriture invitant le lecteur à se défaire du réel tel que l’on peut le concevoir dans nos sociétés modernes pour expérimenter le mystère qui réside en chaque chose tentant ainsi d’absorber et de retranscrire l’intérieur de chaque être, de chaque élément pour offrir une vision totale et poétique de notre environnement et de nos pensées.
García Márquez s’est éteint et laisse aujourd’hui une nation endeuillée par le chagrin, mais aussi des millions d’amoureux de la littérature attristés par le départ du maître des mots, qui avait été sacré prix Nobel de littérature en 1982. La Colombie, par la voix de son actuel président Juan Manuel Santos, ami du défunt, a décrété trois jours de deuil national affirmant « qu’il est le Colombien qui a porté le plus loin et le plus haut le nom de patrie ». Le chef de l’État a également confié lors d’une allocution à la télévision :
« En tant que gouvernement, et en hommage à la mémoire de Gabriel García Márquez j’ai décrété trois jours de deuil national et j’ai ordonné à toutes les institutions publiques au niveau national de mettre les drapeaux en berne, et j’invite également les Colombiens à en faire autant chez eux » ajoutant « merci de nous rappeler que la Colombie et l’Amérique latine, nous ne sommes pas et nous ne serons jamais condamnées à cent nouvelles années de solitude, et que nous pouvons gagner, comme nous le faisons en ce moment, une seconde opportunité sur terre ».
Santos a également insisté sur le fait que le pays rendrait tous les honneurs possibles « à un écrivain qui a changé la vie de ses lecteurs », autant dire que l’émotion est vive dans ce pays d’Amérique du Sud dont l’image est souvent entachée en Europe. Il a également déclaré qu’il « a été le meilleur ambassadeur d’un pays qui en soi-même est caractérisé par le réalisme magique. Un pays qui combine joie et douleur, poésie et conflits, où les papillons jaunes croisent les sentiers… Un pays où tout est possible, surtout la vie ».
Le 31 mars, García Márquez qui était appelé affectueusement « Gabo », avait été conduit en urgence à l’Institut national des sciences médicales Salvador Zubirán, à México DF, car il présentait des signes de déshydratation et « un processus infectieux des voies pulmonaires et urinaires ». L’écrivain est resté hospitalisé une semaine et il a montré des bons signes de récupération. Cependant, les rumeurs couraient ces dernières semaines selon lesquelles il aurait été victime d’une rechute de son cancer lymphatique qui aurait atteint ses poumons et ses ganglions, des informations révélées par le quotidien mexicain ‘El Universal’. Des supputations qui n’avaient pas été corroborées par les membres de la famille de l’écrivain qui s’est contentée d’admettre « que sa santé était très fragile » et qu’il y avait « des risques de complications au vu de son âge avancé », précisant néanmoins que son état était stable. Son médecin personnel avait lui-même révélé, après lui avoir rendu visite, que l’homme de lettres se trouvait « dans un état délicat lié à l’âge, à des pathologies de base et à des problèmes dont il avait souffert précédemment ».
L’écrivain colombien avait souffert d’un cancer lymphatique en 1999, cependant après un traitement de trois mois, il s’était lui-même dit « en rémission » dans une interview accordée au journal ‘El Tiempo’.
Le corps de Gabriel García Márquez sera incinéré dans les prochains jours selon les volontés de ses proches lors d’une cérémonie privée et aucune célébration funèbre (veillée ou autre) ne sera effectuée avant l’hommage officiel prévu le 21 avril au palais des Beaux-Arts de la ville de Mexico. Ces détails ont été dévoilés dans un bref communiqué de presse lu par la directrice de l‘Instituto Nacional de Bellas Artes de México, María Cristina García, aux journalistes réunis devant le domicile du disparu. L’entourage de l’auteur a invité les médias à respecter leur douleur et leur intimité dans ces moments difficiles. Pour le moment on ignore encore où les restes de l’écrivain reposeront à jamais.
Bien plus que le peuple colombien, c’est le monde entier qui pleure la disparition de ce génie, et en particulier le continent américain, le président américain Barack Obama s’est joint aux multiples réactions des politiques à travers le monde en postant le message suivant sur Twitter « Le monde a perdu l’un de ses plus grands écrivains , l’un de mes préférés depuis que je suis jeune ».
Les messages de condoléances affluent depuis l’annonce de la triste nouvelle, François Hollande a tenu à rendre hommage dans un communiqué de l’Élysée au père du chef d’oeuvre « Cent ans de solitude » : « ce géant de la littérature. Maître du réalisme magique, il a recréé dans ses romans baroques et poétiques une Amérique latine rêvée et donné à la littérature hispanique l’un de ses plus grands chefs d’œuvre, Cent ans de solitude ».
La ministre de la Culture française, Mme Aurélie Filippetti a exprimé vendredi dans un communiqué sa « vive émotion » après le décès de « l’immense écrivain » ajoutant qu’il « appartient au patrimoine de notre humanité tout entière ».
Parmi les œuvres majeures du déjà regretté Gabo qui a insufflé à la langue espagnole ses lettres de noblesse au niveau mondial, « Cent ans de solitude » (Cien años de soledad), « L’Automne du patriarche » (El otoño del patriarca), « Chronique d’une mort annoncée » (Crónica de una muerte anunciada), « L’Amour aux temps du choléra » (El amor en los tiempos del cólera), « L’Aventure de Miguel Littín, clandestin au Chili » (La aventura de Miguel Littín clandestino en Chile) ou encore « Journal d’un enlèvement » (Noticia de un secuestro).
C’est un monument du patrimoine culturel latino-américain qui nous a quittés, mais ses œuvres sont éternelles…
(Aline Timbert)