Les Incas compétents pour pratiquer des chirurgies crâniennes

Machu Picchu, citadelle de la civilisation inca

La civilisation inca n’en finit pas de passionner les archéologues et autres aficionados de cultures précolombiennes. Aujourd’hui encore, de nombreux aspects de la vie de ces anciens habitants d’Amérique du Sud suscitent des interrogations. En fait, les découvertes réalisées au fil des décennies fournissent un terrain de jeu continu aux scientifiques. Ainsi, de nombreuses investigations scientifiques ont lieu, et offrent parfois des conclusions aussi surprenantes que fascinantes.

La civilisation inca performante en matière de chirurgie du crâne

En effet, on a pu apprendre que la civilisation inca a, non seulement, laissé un précieux héritage artistique, architectural et culturel, mais aussi une contribution exceptionnelle à la médecine.

De nos jours, l’on sait que le peuple préhispanique était même précurseur en matière de médecine. Le magazine Science a ainsi révélé les prouesses médicales des chirurgiens du 15e et 16e siècle.

Une importante étude a dévoilé au monde que les Incas étaient de meilleurs chirurgiens du crâne que les médecins de la guerre de Sécession. En fait, le taux de mortalité des opérations n’était que de 20% contre 50% pendant la guerre civile américaine au 19e siècle.

Des trépanations moins mortelles sous l’ère inca que pendant la guerre de Sécession !

Parmi les opérations menées par les médecins incas, il y avait la trépanation aussi appelée craniotomie. Cette chirurgie consistait à percer le crâne humain pour des raisons de santé, sans anesthésie ou antibiotiques. Or, cette chirurgie délicate, pratiquée par différentes civilisations depuis des milliers d’années, était particulièrement maîtrisée sous l’ère précolombienne. En effet, le taux de réussite atteignait 80% par rapport à une moyenne de 50% enregistrée pendant la guerre civile américaine.

Ces conclusions fascinantes sont l’œuvre de David Kushner, un neurologue à l’Université de Miami et de John Verano, un bioarchéologue à l’Université de Tulane ( Nouvelle-Orléans.)

Les deux chercheurs ont analysé 59 crânes retrouvés sur la côte sud du Pérou (datant entre 400 et 200 av. J.-C.), 421 crânes des Hautes terres centrales du Pérou (datant de 1000 à 1400 apr. J.-C.), et 160 autres crânes mis au jour à Cuzco. Cuzco, l’emblématique capitale impériale située au Pérou remontant au XVe siècle, surnommée le nombril du monde.

Les résultats témoignent de l‘évolution des techniques chirurgicales pendant « plus de 1000 ans ». De fait, les Incas ont, peaufiné leur façon de procéder avec un taux de survie plus élevé avec l’expérience, en témoigne Corey Ragsdale, bioarchéologue à l’Université du Sud de l’Illinois.

Une technique que le peuple inca a améliorée au fil du temps

En d’autres termes, la technique de trépanation s’est améliorée au fil du temps, ce qui a entraîné des trous plus petits et moins de mutilation, des méthodes qui ont permis de réduire le taux de mortalité.

« Les résultats ont été incroyables », déclarait Kushner dans les pages de la revue Science :

« Seulement 40% des trépanés du premier groupe humain,  le plus ancien, ont survécu aux opérations. Parmi le groupe suivant, 53% des patients ont survécu, suivis par 75% et 83% durant la période inca. Une dernière information: 91% des patients ont survécu à des opérations du crâne entre 1000 et 1300 ».

Par conséquent, cela signifie que la technique a été polie au fil des ans. Des crânes trépanés ont été retrouvés partout dans le monde. Toutefois,  le Pérou, avec son climat sec et ses excellentes conditions de conservation, en compte des centaines.

« Plusieurs patients semblent avoir survécu à de multiples trépanations; un crâne de l’ère inca a montré cinq chirurgies guéries », a expliqué Corey Ragsdale, chercheur à l’université de l’Illinois. 

Des infections plus limitées sous la civilisation inca que pendant la guerre civile américaine

Pour Emanuela Binello, neurochirurgienne à l’Université de Boston, les variations statistiques concernant le taux de survie entre les patients précolombiens et ceux de la guerre de Sécession (1861-1865) peuvent être également imputables à la nature des blessures des patients avant la chirurgie.

Néanmoins, E. Binello qualifie le taux de survie des trépanations au Pérou de «stupéfiant» : « C’est un crédit à donner à ce que réalisaient les cultures anciennes ».

« Un traumatisme qui se produit au cours d’une guerre civile moderne est très différent du type de traumatisme que l’on peut connaitre à l’époque de la civilisation inca », a-t-elle expliqué évoquant les blessures par balle dont furent victimes de nombreux soldats de la guerre civile.

« S’il y avait une ouverture dans le crâne, les chirurgiens introduisaient un doigt dans la plaie à la recherche de caillots et de fragments d’os », a ajouté M. Kushner. Ces violents traumatismes font que presque tous les soldats de la Guerre de Sécession souffraient d’une infection.

« Nous ne savons pas comment les anciens Péruviens ont pu prévenir le risque infectieux, mais il semble qu’ils aient fait du bon travail, nous ne savons pas ce qu’ils utilisaient comme anesthésie, mais avec toutes ces chirurgies crâniennes, ils ont dû utiliser quelque chose ».

Quels instruments permettaient de tels actes de chirurgie pendant la civilisation inca ?

Les instruments chirurgicaux utilisés par les Incas sont encore source de débat. En fait,  les couteaux d’obsidienne et les « tumis » étaient visiblement utilisés pour le recours aux trépanations. Le tumi aurait permis de faire des découpes plus précises en évitant d’endommager la dure-mère (membrane fibreuse, dure et rigide, qui entoure le cerveau ) ce qui permettait de limiter les risques d’infection mortelle.

Selon les dossiers médicaux de la guerre civile américaine, environ 46% à 56% des patients ayant subi une chirurgie crânienne sont décédés contre seulement 17% à 25% des patients de l’ère inca.

2 commentaires

  1. Pierre-Marie Louis GIRARDOT

    Bonjour, Je suis pathologiste. Cet article m’a vivement intéressé.
    Il est vrai que de tous les actes de chirurgie, ceux qui concernent l’abord chirurgical de la boîte crânienne sont parmi les plus risqués pour deux raisons essentielles la première étant l’accès à un organe vital de première importance, le système nerveux central et la seconde que deux sites imposent des conditions d’asepsie particulièrement rigoureuses, l’os et le système nerveux qui sont plus sensibles aux infections et se défendent moins bien.
    Il est intéressant de comparer les populations et sans négliger l’intérêt de comparer des populations d’il y a plusieurs siècles et des populations plus récentes il est essentiel quand même de relativiser les conclusions, sans les exclure.
    Les motifs pour lesquels la trépanation était pratiquée par les civilisations anciennes (ici les Incas mais pas seulement) étaient plutôt rituels voire des « indications médicales » mais en tenant compte des connaissances médicales de l’époque. Les trépanations n’avaient pas principalement pour motif des lésions cérébrales dont il était à l’époque impossible de faire le diagnostic.
    Pendant la guerre de sécession (et toutes les autres) les blessures crâniennes sont le fait de traumatismes souvent par balle ou autre processus contondant très agressif. La gravité était sans doute majorée et les lésions à la fois osseuses et cérébrales plus graves. C’est un élément à prendre en considération pour une analyse comparative. C’est, à mon sens, un biais de l’interprétation. Cela étant cette analyse est intéressante et, à mon sens, plus sous l’angle civilisationnel que médical. Il est vrai que parmi les « gestes chirurgicaux » ceux qui concernent la tête (extrémité encéphalique, crâne et cerveau) sont parmi les plus emblématiques. Il faut ajouter que la boîte crânienne (= boîte osseuse) est la seule (avec les os en général) qui permet d’acquérir la certitude que la personne a survécu puisqu’il est possible de voir des signes de consolidation osseuse (cal) puisque les seuls restes humains qui résistent à l’épreuve du temps sont les os.

  2. Merci pour ce commentaire constructif.

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