Le Pérou et l’Espagne se sont engagés mercredi 25 janvier 2012, lors du premier jour de la visite officielle du président péruvien à Madrid, à travailler conjointement pour booster les investissements dans ce pays d’Amérique du Sud « dont la situation économique solide » génère « des opportunités pour les entreprises espagnoles » dans ce contexte de crise européenne, comme l’a souligné le président Humala.
« Nous allons faire tout notre possible pour que nos entreprises grandes, moyennes ou encore petites puissent mettre en place des projets au Pérou », a affirmé le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, au terme d’une rencontre avec le président de gauche péruvien, Ollanta Humala, qui fut investi dans ses fonctions le 28 juillet 2011.
« Nous leur ouvrons les portes pour qu’ils puissent travailler », a souligné pour sa part le chef de l’État péruvien tout en soulignant que son pays offrait une « stabilité juridique » et une « politique macro-économique qui suscite la confiance des investisseurs », avec une « croissance proche de 7 % du PIB » et un « faible niveau d’endettement ». Sévèrement frappées par la crise depuis 2008, de nombreuses entreprises espagnoles ont trouvé en Amérique latine une alternative d’investissement qui leur permet de conjurer les difficultés financières qui touchent l’Europe et les États-Unis.
« Tous les investissements que font nos entreprises sont fondamentaux pour la sortie de crise », a déclaré le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, après s’être entretenu avec Humala. Il s’agit du premier mandataire latino-américain que Rajoy a rencontré depuis qu’il a assumé le pouvoir en décembre suite aux élections générales anticipées de 2011. L’Espagne constitue le plus grand investisseur au Pérou avec environ 4 000 millions de dollars. Le commerce bilatéral a atteint, en 2008, 1 400 millions de dollars avec des exportations péruviennes d’un montant estimé à 1 015 millions et des importations espagnoles évaluées à 388 millions. Accompagné par le ministre des Relations extérieures, Rafael Roncagliolo, et les ministres du Commerce extérieur et de l’Économie, José Luis Silva et Luis Miguel Castilla, Humala était arrivé solennellement à Madrid (accompagnée de son épouse, Nadine Heredia), mercredi, à l’occasion de son premier voyage en Europe, six mois après avoir assumé la présidence du Pérou. Le chef de l’État sud-américain a également rencontré au Palais de la Zarzuela le roi Juan Carlos I, qui lui a demandé d’être présent au prochain sommet ibéro-américain qui se tiendra au mois de novembre à Cadix. « Le Pérou va y participer, naturellement, car nous croyons qu’il est important de renforcer lors de ce sommet les relations entre les pays latino-américains et l’ Espagne », a expliqué le président. Ce dernier a également reçu l’appui de l’Espagne dans la négociation du traité de libre-échange avec l’Union européenne dont l’approbation est rendue difficile en raison de désaccords entre Bruxelles et Bogotá, comme l’a précisé récemment Roncagliolo.
« Nous allons travailler de sorte que l’accord commercial avec le Pérou et la Colombie soit conclu le plus vite possible », a affirmé Rajoy. Le marché péruvien est en train de devenir l’une des destinations préférées des petites et moyennes entreprises espagnoles qui peuvent « transférer également leur expérience » à des secteurs que le gouvernement de Humala souhaite accroître, comme le tourisme, l’énergie, où le domaine des infrastructures, mais aussi la science et la technologie », a souligné le roi d’Espagne.
La visite officielle du président de gauche nationaliste en Espagne a duré deux jours, il s’agissait avant tout d’aborder des thèmes économiques et de réaffirmer le lien qui unit l’Espagne au Pérou. Après cette rencontre majeure, Humala et Rajoy ont tenu à mettre en avant, lors d’une conférence de presse, les bonnes relations que maintiennent les deux pays et leur engagement à les améliorer encore un peu plus.
Le mandataire péruvien a fait part de sa confiance concernant la résolution de la crise qui touche l’Espagne, et a émis un bilan positif après cette rencontre qui lui a permis d’entrer en contact avec les entreprises espagnoles dont la plupart ont déjà des intérêts au Pérou.
« Je pense que tout va bien se passer et nous souhaitons ardemment que la situation en Espagne, que la sévère crise qui touche le pays, soit la plus courte possible et que nous puissions compter sur l’Espagne comme partenaire, comme elle l’a toujours été », a affirmé Humala. Le président a tenu à rassurer les potentiels investisseurs en réaffirmant les ambitions économiques du Pérou et en écartant les doutes concernant de « possibles nationalisations ».
Le président péruvien a assuré durant son court séjour en Espagne qu’il défendrait « les intérêts nationaux » dans les négociations qu’il mène pour attirer plus d’investisseurs dans le pays tout en soulignant que le Pérou connaissait une bonne croissance économique. À ce titre, il a affirmé qu’il ne tolérerait pas « les menaces » en provenance d’opposants à ses projets, et a donc souligné qu’il existait des voies légales pour résoudre les conflits. Humala a abordé le délicat conflit minier Conga qui inquiète autant les investisseurs étrangers que les populations locales pour des raisons bien différentes .
« Ce que nous faisons en qualité d’État c’est défendre les intérêts nationaux, par conséquent nous n’allons pas tolérer les abus d’un côté comme de l’autre », a affirmé le président, lors d’une interview accordée à la presse durant sa première visite officielle en Espagne, faisant ainsi clairement allusion au conflit minier Conga qui a généré une importante crise sociale dans le département péruvien de Cajamarca. Pour rappel, des centaines de personnes de ce département andin du nord du pays ont manifesté leur mécontentement entre novembre et décembre 2011 (grève et mouvements protestataires) pour s’opposer à l’implantation d’une entreprise minière nord-américaine dans cette région d’élevage et d’agriculture. Les habitants craignent en toute logique l’impact écologique lié à l’exploitation minière surtout en ce qui concerne les réserves en eau déjà insuffisantes dans cette zone. Cette crise a provoqué une vague de protestations contre le gouvernement de gauche soupçonné de favoriser les intérêts des grandes multinationales plutôt que ceux des communautés indigènes et paysannes qui ont porté majoritairement le candidat de Gana Peru au pouvoir et qui, par ailleurs, jouissent du droit à la consultation préalable.
« Ce que nous ne pouvons pas accepter c’est la menace d’une partie contre une autre ni même qu’une partie de la population impose la loi martiale à Cajamarca, en imposant des restrictions aux activités menées par les salariées, au droit de circulation qui constitue un droit constitutionnel ou encore au fonctionnement des commerces », a déclaré le chef de l’État. Humala a insisté sur l’importance de résoudre ce type de conflit au moyen du dialogue et « d’une expertise internationale » habilitée à trancher équitablement sur ce type de litige.
Humala s’en est pris clairement au président régional de Cajamarca, Gregorio Santos, et n’a pas hésité à la comparer au dictateur cambodgien Pol Pot, dénonçant ainsi son intransigeance lors des négociations sur le projet miner Conga, ce à quoi le principal intéressé a rétorqué « C’est une comparaison extrême qui a été faite par le président Humala. Mes mains ne sont pas couvertes de sang, ni mon parti ni le mouvement qui m’a permis d’arriver à la présidence régionale ».
Après sa visite en Espagne, le président s’est rendu en Suisse afin de participer au Forum économique mondial, à Davos, auquel ont également assisté les présidents du Mexique, Felipe Calderón, et celui du Panama, Ricardo Martinelli. Ollanta Humala en a profité pour exprimer sa solidarité avec les pays européens frappés par la crise tout en précisant qu’il avait confiance en la capacité des dirigeants de l’UE pour éviter que la crise ne se propage dans le reste du monde.
« J’ai confiance dans l’intelligence des gouvernants de l’Union européenne pour résoudre les problèmes, et nous espérons qu’une solution soit vite trouvée et que la situation de crise n’implique pas le reste du monde ».
Pendant son passage en Suisse, Humala a rencontré différents chefs d’entreprise pour attirer de nouveaux investisseurs tandis que samedi il a rencontré le secrétaire général des Nations-Unis Ban Ki-Moon.
« Je crois que nous avons fait ce qu’il faut pour que le Pérou soit connu à travers le monde non seulement pour ce que nous réalisons dans le domaine économique, mais aussi social », a déclaré le président péruvien.
Durant le forum économique de Davos, l’Amérique latine a été perçue comme une « oasis » de stabilité offrant des perspectives de croissance face à l’incertitude générale qui règne en Europe et aux États-Unis en raison de la crise économique et financière.
Le ministre des Affaires étrangères, Rafael Roncagliolo a abordé ce voyage officiel en termes positifs « je peux dire qu’il y a un intérêt énorme à investir au Pérou et nous avons eu une série de réunions parallèles durant le voyage. Nous pouvons dire que cette visite a rempli tous ses objectifs, tant à Madrid qu’à Davos ».
Hier, dimanche 29 janvier 2012, le président a repris la direction de Lima tandis que Rafael Roncagliolo et le ministre de L’Économie ont rejoint Lisbonne, au Portugal, pour assister à un forum des entreprises et rencontrer le chef de l’État afin de renforcer leurs relations bilatérales.
(Aline Timbert)