Chili : une (r)évolution accélérée 

A quelques semaines de la fin de son mandat, Michelle Bachelet a mis le pied sur l’accélérateur législatif alors même que sa cote de popularité est au plus bas, que les abandons au sein de son gouvernement ne cessent de se multiplier et que tous les sondages donnent Sebastian Piñera (droite) gagnant à la présidentielle.

La fin du second mandat (depuis mars 2014) de la première directrice de ONU Femmes (2010-2013), est marqué par la multiplication des lois d’ordre social, visant à atteindre plus de justice et d’égalité.

Après presque 30 ans d’interdiction totale de l’IVG, décidée sous le dictateur Pinochet soutenu par l’Eglise et les conservateurs, le projet de loi a été accepté par le Tribunal Constitutionnel et approuvé par le Parlement deux jours plus tard par 22 voix contre 13. Cet événement marque l’épilogue d’une dure négociation qui a duré plus de deux ans et qui concerne la dépénalisation de l’avortement thérapeutique en cas de viol, de mise en danger de la mère ou de détection d’un fœtus jugé non viable. (Vous pouvez consulter également l’article suivant http://www.actulatino.com/2016/09/16/chili-l-avortement-totalement-interdit-depuis-1989-prochainement-rendu-possible-dans-trois-cas-extremes/)

La droite avait émis un recours auprès du Tribunal Constitutionnel en évoquant le droit à la vie présent dans la Constitution du pays. Le secrétaire général du tribunal, Rodrigo Pica, a annoncé que « les deux recours ont été rejetés par six votes contre quatre ».
La Corporation pour les droits sexuels et reproductifs (MILES) a qualifié cette décision d’« historique » car elle « marque un avant et un après pour les femmes chiliennes. Aujourd’hui, nous les femmes, nous conquérons de nouveaux espaces de dignité, de liberté, d’autonomie et d’égalité, car on a mis fin définitivement à l’interdiction totale de l’avortement, à la stigmatisation et aux sanctions injustes et inhumaines qui pesaient sur les personnes cherchant à interrompre leur grossesse », a souligné l’association dans un communiqué.
Cette dépénalisation, soutenue par 70% de la population, marque un changement de société majeur au Chili, l’un des derniers pays développés à avoir reconnu le divorce en 2004. Cet événement marquera sans aucun doute la fin aux quelques 160.000 interruptions clandestines qui ont lieu chaque année.

La dépénalisation de IVG s’inscrit dans une série de réformes sociales voulues par la présidente Bachelet. Il y a deux ans, la dirigeante socialiste, avait obtenu que le Parlement vote l’union civile de couples du même sexe. Elle a lancé fin août un nouveau projet, cette fois pour légaliser le mariage pour tous et permettre l’adoption au couple du même sexe.

« Aujourd’hui, le Chili fait un pas historique en signant le projet de loi pour le mariage pour tous. Nous faisons cela avec la conviction que l’égalité n’admet aucune nuance ni aucun préjugé. Nous faisons cela avec la certitude qu’il n’est ni éthique, ni juste de poser des barrières artificielles à l’amour, pas plus que de nier des droits essentiels juste à cause du sexe des personnes en couple. Nous le faisons pour garantir un acte de justice sociale, pour faire en sorte que ceux qui désirent partager leur vie puissent le faire comme ils ou elles l’entendent, en toute liberté, avec fierté et joie », a déclaré Michelle Bachelet à la Moneda, le palais présidentiel à Santiago.

Selon un brouillon que s’est procuré La Tercera, quotidien chilien, le gouvernement Bachelet, en accord avec le Mouvement d’intégration et de libération homosexuelle (MOVILH) prévoit ainsi non seulement de réformer l’article 112 du Code Civil mais aussi de supprimer la référence au genre dans les contrats de mariage, alors signés par « deux personnes de même sexe ou de sexe différent ». « Le projet prend également en compte l’adoption et la filiation homoparentale mais il prend aussi en considération les techniques de procréation médicalement assistée », s’est réjoui de son côté Rolando Jimenez, président du MOVILH.

Le 28 août, Michelle Bachelet publiait ce message sur Twitter : « Pour aimer, il n’y a pas de conditions. Pour continuer à avancer vers un Chili inclusif, j’ai signé aujourd’hui le projet de Loi pour le mariage pour tous ».

Cette décision respecte les engagements de campagne de la socialiste mais est également une réponse à l’accord à l’amiable signé avec la Commission interaméricaine des droits de l’Homme qui a pointé du doigt l’Etat chilien qui avait violé les droits des minorités sexuelles.

Autant d’avancées qui s’ajoutent à la grande réforme sur l’éducation visant à fournir une éducation nationale de qualité et gratuite à tous les Chiliens. Des progrès sociaux qui seront peut-être l’objet de nouveaux débats, de réformes ou même d’annulations si les préjugés conservateurs regagnent le palais de la Moneda en même temps que Sebastian Piñera, contre lequel l’UDI, l’un des partis qui forment la coalition Chile Vamos, s’est déjà élevé en accusant Bachelet de se servir de ces réformes comme argument de campagne à quelques semaines de la fin de son mandat.

(Vidéo du 22/08/2017)

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