C’est un président jeune que les Chiliens ont élu le 19 décembre 2021. Il a soufflé ses 35 printemps, l’âge minimum requis pour prétendre aux plus hautes fonctions de l’État. Mais il incarne l’espoir et le renouveau du pays sud-américain, loin des relents de la dictature de Pinochet.
Le candidat de gauche Gabriel Boric prendra la tête du Chili en mars
Les urnes ont livré leur verdict. La gauche reprend la main au Chili.
Le candidat du Frente amplio, Gabriel Boric, a remporté la victoire sur son rival d’extrême droite, José Antonio Kast, en obtenant 55,86% des voix.
Gabriel Boric prendra ses fonctions au Palacio de La Moneda au mois de mars, et succédera ainsi au président de centre-droit Sebastián Piñera.
L’ancien leader étudiant a remporté le suffrage lors d’élections marquées par un fort degré d’incertitude. Lors de l’entre-deux tours, les deux candidats avaient dû modérer leur discours afin d’élargir leur électorat respectif.
Le candidat José Antonio Kast a rapidement reconnu la victoire de son rival et s’est exprimé sur Twitter :
« Je viens de parler au téléphone avec @gabrielboric et je l’ai félicité pour son grand succès. À partir d’aujourd’hui, il est le Président élu du Chili et mérite tout notre respect et notre collaboration constructive. Le Chili passera toujours en premier ».
Un peu plus tard dans la soirée, ce dernier a ajouté qu’il aiderait le président pour tous les projets en faveur du Chili.
Par ailleurs, le futur chef d’État a reçu un appel téléphonique du président sortant, Sebastián Piñera, lequel l’a félicité pour sa victoire et pour être parvenu à mobiliser les électeurs pour cette élection présidentielle.
Un taux de participation record depuis que le vote n’est plus obligatoire au Chili
Ce dimanche, 8,3 millions de personnes ont voté, le pourcentage le plus élevé depuis la mise en place du vote volontaire en 2012, et huit points de plus qu’au premier tour du 21 novembre dernier. En fait, la participation a atteint les 55%, un pourcentage historique depuis que le vote n’est plus obligatoire, elle était de 47% au 1er tour.
Gabriel Boric a répondu à son prédécesseur en affirmant :
« C’est un honneur pour moi de pouvoir parler avec vous et de m’adresser à tous les hommes et femmes du Chili qui nous écoutent, et je veux que vous et les gens sachiez que je vais faire de mon mieux pour être à la hauteur de ce formidable défi afin que notre pays tire le meilleur de lui-même et que nous nous unissions pour relever les grands défis et ce sera ma ligne d’action. Je vous remercie pour cet appel, il me semble important de respecter les traditions de la République. J’ai reçu l’appel de José Antonio Kast et il me semble qu’il parle très bien du Chili, de notre démocratie et c’est quelque chose que nous devons maintenir, renforcer et prendre en charge ensemble ».
Gabriel Boric
De fortes attentes dans le secteur social dans un pays marqué par de profondes inégalités
Parmi les mesures que le candidat doit mettre en place, il y a :
- le renforcement de l’éducation publique ;
- le rejet d’une politique extractiviste démesurée ;
- la mise en place d’un système national de santé accessible par tous ;
- et la valorisation des femmes au sein de la société chilienne afin d’effacer « l’héritage patriarcal ».
Il a évoqué ses différentes priorités en tant que président de la République, à savoir : libérer les quartiers du Chili du trafic de drogue, œuvrer au développement des relations avec les peuples indigènes et trouver un modèle de développement économique en accord avec le respect de l’environnement.
De plus, il fait mention « d’un gouvernement aux mains ouvertes qui dialoguera en permanence avec son peuple pour avancer ensemble ».
Par ailleurs, celui qui a été élu député à 27 ans a mentionné qu‘il élargirait les « droits sociaux » au moyen de « la responsabilité fiscale », tout en prenant « soin de la macroéconomie ».
« Si le Chili a été le berceau du néolibéralisme en Amérique latine, il sera aussi son tombeau« , avait-il déclaré au moment de lancer sa candidature, des propos qu’il a par la suite modérés.
Boric devra répondre aux attentes sociales d’une population refusant une politique ultra libérale, une frange qui a très largement manifesté son malaise lors de mouvements de rue marqués par la violence en 2019.
En effet, le Chili est un pays de l’OCDE fortement marqué par les inégalités avec une classe moyenne qui doit s’endetter pour pouvoir assurer les frais d’éducation, de santé et une retraite privée.
Le Chili prêt à écrire une nouvelle page de son histoire ?
C’est Gabriel Boric qui a remporté la majorité des suffrages dans les grandes villes. Le nord du pays a voté plus massivement pour Jose Antonio Kast.
Ce dernier a pointé du doigt « l’immigration massive qui envahit le pays ». La région a accueilli de nombreux migrants en particulier des Vénézuéliens ou Haïtiens, et le discours de l’ultra conservateur a, selon toute vraisemblance, fait mouche.
Enfin, l’arrivée à la présidence de Gabriel Boric intervient dans un pays en mutation alors que le Parlement vient d’adopter le mariage pour tous et l’adoption pour couples du même sexe. Le candidat conservateur Kast était farouchement hostile à l’avortement en toutes circonstances et au mariage pour tous. Pour rappel, la loi de juillet 2017 du gouvernement socialiste dirigé par Michelle Bachelet avait rendu possible le recours à l’IVG en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère.
Par ailleurs, au Chili, depuis début juillet 2021 une assemblée constituante a pour ligne de mire la rédaction d’une nouvelle Constitution pour remplacer celle héritée de Pinochet. Le texte devrait voir le jour fin juin, et sera ensuite soumis à référendum.
Visiblement le peuple chilien s’apprête à écrire un nouveau chapitre de son histoire. Mais la polarisation reste importante et les défis s’annoncent nombreux pour le prochain gouvernement.